Analyses de personnages

Analyse de Sinon (INTJ 5w6)

Sinon, de son vrai nom Shino Asada, est l’un des personnages principaux de l’arc Phantom Bullet de Sword Art Online (première partie de la saison 2). Je ne suis pas spécialement fan de SAO, déplorant la qualité inégale de ses arcs, mais j’admets avoir beaucoup apprécié Phantom Bullet pour l’intelligence et l’originalité avec laquelle il traite ses thématiques. Il n’est pas nécessaire de visionner les arcs précédents pour profiter de celui-ci, tant qu’on est un peu renseigné sur le contexte de la série.

Shino Asada est une lycéenne au passé traumatique, menant une double-vie dans le jeu en réalité virtuelle Gun Gale Online. Elle est connue dans cet univers en tant que sniper redoutable, sous le pseudonyme de « Sinon ». Ce qui m’a positivement surprise avec Sinon, c’est le réalisme de son écriture. La plupart des INTJ fictifs sont fortement idéalisés : ils incarnent des archétypes de méchants machiavéliques, de stratèges de génie ou de sages charismatiques… Des figures qui ont pu exister à travers l’histoire, mais ne sont pas représentatives des INTJ ordinaires. Shino Asada, elle, pourrait très bien être une jeune femme INTJ de la vraie vie. Pour l’anecdote, on m’a même déjà dit qu’elle me ressemblait beaucoup.

Note : « Sinon » se prononce « Shi-nonne ». Le phonème « si » n’existant pas dans la langue japonaise, on le prononce « shi ». A ne pas confondre avec « chi », qui se prononce « tchi ».

Attention : cette analyse contient des mentions au syndrome de stress post-traumatique lié aux armes à feu (sur l’ensemble de l’article) et aux agressions sexuelles (à partir de la partie ennéagramme). S’abstenir si vous ne supportez pas d’entendre parler de ces sujets.

Sinon dans la vraie vie VS Sinon dans le jeu Gun Gale Online

Fonction dominante : Intuition introvertie (Ni)

Sinon poursuit un objectif stable dans le futur : surmonter son traumatisme et devenir une meilleure version d’elle-même, plus forte, plus courageuse… A travers son expérience sur Gun Gale Online, elle a acquis des compétences de haut niveau ainsi qu’une certaine assurance, qu’elle cherche à transférer dans son « Moi » réel. En somme, Sinon vit pour transformer la vision abstraite qui l’habite 24h/24 en  manifestation concrète. Toute sa personnalité est organisée autour de cet axe, pouvant être interprété comme une relation Ni-Se. (Mais également comme une problématique d’ennéatype 5. Nous le verrons plus tard.) Sinon est si absorbée par son objectif qu’elle délaisse sans regrets d’autres aspects de son existence. Elle semble indifférente aux préoccupations ordinaires des jeunes filles de son âge (sortir avec un garçon, s’amuser entre copines ou même décorer sa maison…), préférant passer son temps libre à se perfectionner sur GGO. Elle considère d’ailleurs son jeu comme un outil d’auto-réalisation et point du tout comme une distraction.

L’intuition de Sinon est bien développée. Elle « sent » la plupart du temps les intentions de ses interlocuteurs et anticipe des dangers cachés que les autres n’avaient pas soupçonnés. Par exemple, elle se doute en observant Behemoth au loin dans l’épisode 2 qu’il cache probablement une arme sous son manteau, contrairement à ses coéquipiers qui le jugent inoffensif. Durant le tournoi « Bullet of Bullets », elle montre une très bonne capacité à anticiper les mouvements de ses adversaires. Enfin, Sinon accorde une grande valeur aux symboles, qui semblent avoir de puissants effets sur elle : ces derniers peuvent l’aider à se soigner tout comme la plonger dans l’angoisse. Elle est par exemple très sensible au fait que le pistolet utilisé par Death Gun soit le même modèle que celui-ci avec lequel elle a tué le braqueur étant enfant.

Fonction auxiliaire : Pensée extravertie (Te)

Sinon prend ses décisions en considérant les paramètres logiques en priorité. Quand elle fait visiter le magasin d’armement à Kirito dans l’épisode 4, elle adapte sans problème ses propositions à son budget et lui suggère les choix les plus rationnels. (Par exemple, elle souligne le désavantage d’une arme de corps-à-corps face à certaines armes à feu, malgré l’agilité exceptionnelle de Kirito.) Elle déconseille à Kirito d’essayer le jeu « Untouchable » qui attire son attention, car d’après elle, les probabilités de remporter le jackpot sont trop faibles pour que cela vaille le coup.

D’une manière générale, Sinon évite de se laisser emporter par ses émotions. Bien que très anxieuse, elle sait se reprendre dans presque toutes les situations et n’est pas du genre à faire une erreur sur un coup de tête. Elle cherche d’ailleurs à neutraliser les réactions impulsives de son corps suite à son traumatisme, considérées comme une entrave au bon déroulement de ses plans. Sa vision d’elle-même est fonctionnelle : par exemple, en constatant qu’elle ne supporte pas de voir un pistolet, ou même un geste de main imitant un pistolet, elle met en place un « programme » d’auto-guérison afin de reprendre le contrôle complet d’elle-même. (En s’habituant aux armes à la feu dans la réalité virtuelle, où son traumatisme ne s’active pas, elle espère finir par transposer la force développée là-bas dans son « Moi  » réel.) Elle applique avec rigueur les protocoles qu’elle s’est créé.

Sinon semble avoir des facilités à s’exprimer. Elle expose les informations de façon claire, en s’assurant d’être bien comprise par son interlocuteur, et n’hésite pas à révéler le fond de sa pensée en cas de besoin. Elle ne cherche pas à contrôler autrui, mais sait faire preuve d’autorité si nécessaire. Les situations de stress (hormis si elles concernent son traumatisme) n’atteignent pas ses capacités de planification et d’application : elle suit sans problème le déroulement de ses pensées, jusqu’à atteindre le but visé. On retrouve chez elle le côté teigneux des types TJ, qui continuent de se battre avec férocité malgré une jambe en moins. Elle est par exemple la seule membre du groupe à ne pas perdre ses moyens pendant l’assaut contre Behemoth, en étant focalisée sur l’objectif et détachée de ses états d’âme.

Fonction tertiaire : Sentiment introverti (Fi)

Merci Seigneur d’avoir créé Sinon, pour que le monde découvre que les INTJ possèdent des sentiments… Le personnage de Sinon étant construit autour d’un syndrome de stress post-traumatique (SSPT), on a l’occasion de la voir éprouver des émotions intenses et se livrer à de véritables moments d’introspection. Ceci permet d’observer le contraste entre ce que l’INTJ renvoie socialement et la façon dont l’INTJ se perçoit lui-même, une fois qu’il est seul avec sa vulnérabilité. Sinon est assez consciente de ses émotions, bien qu’elle les appréhende sous un angle intellectuel et pratique. Elle est attentive à la façon dont sa phobie évolue et met en place des stratégies pour apaiser ses angoisses. Par exemple, elle prend parfois dans ses mains un pistolet caché dans un tiroir de sa chambre, afin de vérifier si ce contact déclenche toujours une attaque de panique chez elle. Il est sans conteste important pour Sinon d’améliorer son bien-être psychique, bien qu’elle n’hésite pas à se faire violence pour y parvenir.

Sinon se regardant dans le miroir après une crise d’angoisse pour évaluer son état…

Comme tous les utilisateurs de Fi, Sinon fait montre d’une empathie sélective et se sent facilement heurtée si l’on s’en prend à l’une de ses valeurs fondamentales. Quand elle rencontre Kirito pour la première fois et le prend pour une fille, elle se sent aussitôt complice avec lui et fait tout pour l’aider (les joueurs féminins étant très rares dans Gun Gale Online, et souvent victimes de harcèlement). En découvrant la vérité, elle se fâche contre Kirito et le boude un moment, vexée qu’il n’ait pas été sincère avec elle dès le début. Elle se met également en colère lorsqu’elle ne se sent pas prise au sérieux dans son combat par l’épéiste, car il retient ses coups alors qu’elle est embrasée de l’intérieur. (Il est rare pour un utilisateur de Fi, d’autant plus introverti, de manifester explicitement ses sentiments. Il les considère comme une part intime de lui, n’ayant pas à être exhibée dans n’importe quelles circonstances. Ainsi, dans les rares moments où il se laisse aller, être indifférent à cette « faveur » aura des chances d’être interprété comme un profond manque de respect. Voilà pourquoi Sinon réagit ni négativement devant l’attitude flegmatique de Kirito, alors qu’elle expose sa blessure et place une forte charge symbolique dans leur duel : Ni et Fi sont tous les deux insultés.) Sinon renoue finalement avec Kirito en découvrant leur problématique commune : elle décide de s’allier à lui afin qu’ils apprennent ensemble à dominer leurs démons.

Sinon accepte facilement le caractère unique de chaque individu. Lorsqu’elle présente la boutique de matériel à Kirito dans GGO, elle mentionne plusieurs fois l’importance des préférences personnelles dans le choix de l’arme. Bien qu’elle lui ait déconseillé d’acheter une épée laser au lieu d’un fusil classique (pour des raisons justifiées par Te), elle n’est pas choquée devant son choix saugrenu. Après tout, ce sont « les goûts et les couleurs »… Elle tient le même genre de discours en saisissant le pistolet avec lequel la menace sa harceleuse dans l’épisode 14 : « Un Governement 1911 ? Hm, ton frère a de bons goûts, même si ce n’est pas mon style. » Sinon tient beaucoup à son arme favorite, le PGM Ultima Ratio Hecate II, qu’elle considère comme une part d’elle-même. L’attitude de Sinon ne varie pas en fonction du contexte : elle reste naturellement authentique, et semble chercher une certaine constance dans son expression identitaire. (Ses avatars virtuels ont toujours le même style de combat ou le même rôle stratégique.)

Fonction inférieure : Sensation extravertie (Se)

Sinon entretient une relation ambiguë avec son environnement physique. Tantôt elle le perçoit comme menaçant et se tient le plus à distance possible des potentiels dangers, tantôt elle s’investit pleinement dedans. Elle préfère généralement observer les choses de loin sans intervenir, dégageant alors très peu de présence. Le choix du sniper plutôt qu’une arme à plus courte portée n’est certainement pas anodin. Le caractère imprévisible du monde extérieur effraie beaucoup Sinon, et elle se paralyse lorsqu’elle constate qu’elle n’a pas pu anticiper toutes les issues d’une situation. Elle compense son manque de spontanéité par l’anticipation : par exemple, les lunettes qu’elle porte IRL ne servent pas à corriger sa vue, mais à se protéger des balles (celles-ci étant faites dans un verre particulier).

Cependant, dans certains contextes, Sinon est aussi capable de laisser tout à coup exploser Se pour gérer une situation d’urgence. Elle devient une boule d’énergie pure, qui enchaîne les mouvements en suivant simplement son instinct. Cette capacité à embrayer subitement sur de l’action brute est typique des utilisateurs de Se. Quand la situation est maîtrisée, Sinon semble même prendre un véritable plaisir à évoluer au cœur de l’action. Juste avant de tirer la balle qui tuera Behemoth, elle lance « The End » tandis que ses pupilles se rétractent, donnant l’impression de voir un prédateur satisfait d’achever enfin sa proie.

Lorsque Sinon est forcée de quitter son perchoir, elle s’active sans retenue pour mettre toutes les chances de son côté.

Comme beaucoup de Se-inf, Sinon fantasme sur une version alternative d’elle-même interagissant aisément avec le monde physique. En incarnant un sniper ultra-compétent dans Gun Gale Online, elle se rassure dans la réalité sur sa capacité à affronter les éléments concrets. (Le risque d’être de nouveau confrontée à des armes à feu, le harcèlement par ses camarades de classe exploitant son traumatisme…) Le fait de savoir que son double virtuel existe quelque part en elle, et pourrait s’incarner IRL à force de travail sur soi, lui maintient la tête hors de l’eau.

Sinon sur l’ennéagramme

Sinon est un cas complexe sur l’ennéagramme. Ses crises d’angoisse et son obsession pour la sécurité font que de nombreux internautes la voient en base 6. A titre personnel, j’observe chez Sinon des comportements « clichés » de 6 (dus à son syndrome de stress post-traumatique et à son anxiété généralisée), mais des schémas et motivations évoquant bien plus la base 5. Plus précisément, on est d’après moi sur du 5 alpha de variante conservation, avec une forte aile 6.

Comme ont tendance à le faire les 5, Sinon entretient une passion morbide pour le thème qui l’a blessé : les armes à feu. Pendant tout l’arc, elle cherche à atteindre sa flèche 8 par ce biais, ce qu’elle nomme « devenir plus forte ». Elle est persuadée qu’en devenant forte dans Gun Gale Online, elle finira également par devenir forte dans la réalité. En bonne 5, les différents aspects de sa vie sont divisés en compartiments hermétiques : là où un simple doigt tendu la terrorise IRL, elle est totalement libérée de sa phobie dans l’univers de GGO. Cependant, Sinon réalise progressivement que le jeu-vidéo ne lui fait pas affronter son traumatisme : au contraire, elle n’a toujours fait que le fuir. En maintenant une dualité entre la Sinon virtuelle et la Sinon réelle, et en considérant toujours que la Sinon virtuelle n’est pas encore assez forte pour s’incarner dans la Sinon réelle, la jeune femme ne parvient jamais à guérir. Elle est bloquée dans sa compulsion, sa peur de ne pas être suffisamment prête pour affronter le monde extérieur.

Avec l’arrivée de Death Gun et la possibilité d’être vraiment tué par les balles, le compartiment protecteur dans l’esprit de Sinon cède. Son syndrome de stress post-traumatisme déborde sur GGO et elle se retrouve de nouveau incapable d’agir, terrassée par sa peur… Une peur encore plus forte qu’auparavant, puisque Sinon réalise qu’elle n’a définitivement nulle part où se cacher pour fuir ses propres émotions. Pour gérer cette situation, elle sera obligée d’accepter son passé, ainsi que l’aide de Kirito (c’est-à-dire, reconnaître l’existence d’une ressource extérieure à elle-même, ce qu’elle n’a jamais considéré auparavant).

Sinon est une personne très privée, détestant se faire remarquer ou qu’on envahisse son espace vital. Dans l’épisode 14, Sinon est embarrassée que Kirito l’attende devant son lycée. Elle n’apprécie pas du tout que des filles s’attroupent autour de la moto du jeune homme et demandent à Sinon s’il s’agit de son petit ami. En guise de salut, elle lui lance « Tu aurais pu te mettre à un endroit moins voyant ! ». Plus tard dans l’épisode, Sinon fait la moue quand Kirito lui demande si elle est disponible pour la soirée : de toute évidence, elle n’apprécie pas qu’on grignote encore de son temps libre, qui plus est sans l’avoir prévenue avant… (Une manifestation classique d’avarice du 5 : ce temps passé dehors, c’est du temps en moins à passer seul !) Elle est désemparée quand Kirito lui annonce avoir raconté son histoire à Asuna et Lisbeth, et que ces dernières ont enquêté dans sa ville d’origine. Face à cette intrusion, le premier réflexe de Sinon est de se lever pour quitter la salle, ne pouvant supporter d’être ainsi mise à nu.

Meilleur moyen de mettre un 5 dans l’embarras : exposer sa vie intime devant tout le monde…

La fixation de détachement de Sinon est nettement visible dans l’anime. Les autres personnages font plusieurs fois allusion au fait qu’elle en livre peu sur elle-même. Dans l’épisode 7, Shinkawa est surpris en voyant Sinon pester contre Kirito devant lui : bien qu’il la connaisse depuis des années, il ne l’avait jamais vu exprimer sa colère ainsi. Il ajoute que c’est la première fois qu’il la voit porter autant attention à quelqu’un d’autre, elle qui est d’ordinaire si autocentrée et détachée de tout. De fait, Sinon repousse les avances de Shinkawa en prétextant ne pas avoir de temps pour ce genre de sentiment, alors qu’elle a son problème de SSPT à résoudre. On observe que plus Shinwaka est entreprenant, plus Sinon le repousse et se ferme émotionnellement à lui : on reconnait-là la crainte du 5 d’être « pillé » et entraîné dans une situation qu’il ne pourra pas fuir sur commande. Le détachement par anticipation est généralement la solution choisie par le 5 afin d’éviter toute implication qu’il regretterait.

La fuite face à la peur de l’engagement est également présente chez le 6, mais se traduit par un mécanisme différent : contrairement au 5 dont l’énergie est constamment dans le retrait, le 6 oscille toute sa vie entre deux mouvements contradictoires, « Je dois fuir, n’avoir confiance qu’en moi-même, me débrouiller tout seul » et « Je ne peux pas m’en sortir tout seul, j’ai besoin de consulter les autres, il me faut un cadre protecteur ». Avant les événements de Phantom Bullet, Sinon n’a jamais éprouvé le besoin de s’appuyer sur une entité extérieure pour prendre ses décisions. On le remarque notamment lors du dialogue intérieur avec son avatar, dans la scène de l’épisode 13 où Shinkawa tente de la violer. Alors que Sinon est dans un état de sidération, à souhaiter ne plus rien voir ni ressentir, elle pense au fait que Kirito sera sûrement tué par Shinkawa en arrivant sur place. Le double virtuel de Sinon apparaît près d’elle et murmure : « Jusqu’à maintenant, on ne s’est toujours préocuppées que de nous. On ne s’est toujours battus que pour nous-mêmes. Mais, même si c’est peut-être trop tard, même si c’est la fin, alors, juste une fois, battons-nous pour quelqu’un d’autre. » . Sinon accepte d’écouter et de suivre son double : enfin, les deux facettes de la jeune femme se réunissent. Au lieu de se dire qu’elle est trop vide pour intervenir, Sinon décide de déployer sa force pour protéger ceux qu’elle aime. Touchant enfin sa flèche 8, elle ouvre les yeux et parvient à se débattre contre son agresseur. Cet événement lui fait franchir une étape décisive dans son processus de guérison.

La Sinon de droite symbolise les ressources dont Sinon croit manquer pour pouvoir s’impliquer dans le monde. Dans cette scène, Sinon commence à voir sa richesse intérieure et à croire en ses capacités de survie, en se remémorrant ce qu’elle a traversé avec Kirito.

En rencontrant Kirito, Sinon découvre la possibilité d’intégrer « autrui » dans les ressources disponibles pour avancer. C’est principalement à son contact qu’elle exprime son aile 6, en expérimentant le fait de s’appuyer sur quelqu’un. Bien que Sinon prenne mal les trahisons (comme le mensonge de Kirito sur son genre), elle ne semble pas concernée par un manque de confiance intrinsèque en son prochain. Elle est plus dans l’indifférence que dans la méfiance vis-à-vis des gens – hormis dans le contexte du jeu, bien entendu, étant donné que n’importe qui peut lui tirer dessus à tout moment.

Lorsqu’elle est à l’aise, Sinon se met à partager ses connaissances spontanément. En rencontrant Kirito pour la première fois dans GGO (l’univers où évolue la version la plus saine d’elle-même), elle prend le temps de lui présenter les bases du jeu, de le conseiller dans le choix de son équipement et de lui apprendre à tirer… Au point d’en oublier l’heure et d’être à deux doigts de manquer les inscriptions pour son tournoi, alors qu’il est si important pour elle ! Plus tard, malgré les tensions entre elle et le jeune homme, elle continue de lui fournir des informations pour l’aider (en couvrant son ego avec des prétextes bidons). Chez les 5 épanouis, le détachement se transforme en sentiment diffus de bienveillance envers l’humanité. De façon paradoxale et étonnante, les 5 intégrés ne peuvent parfois pas s’empêcher d’essayer d’instruire quelqu’un, en faisant fi de leur jugement personnel et sans rien attendre en retour. Ils perçoivent le savoir comme une ressource appartenant à tous, et font en sorte de laisser le flux circuler au lieu de le bloquer ou le détourner pour leur propre usage. C’est le genre de motivation que je perçois chez Sinon dans les moments où elle semble au meilleur d’elle-même.

Parenthèse finale

Je publie cette analyse de Sinon un 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. L’arc Phantom Bullet de SAO a fait le choix honorable de présenter un personnage féminin qui n’est pas défini par rapport à un homme (contrairement à la plupart des autres filles de la série). Mais surtout, il a tenté – volontairement ou non – de corriger de fausses représentations très répandues au sujet des agressions sexuelles. En effet, la grande majorité des viols sont commis par un agresseur connu de la victime, et ont lieu à son domicile ou dans celui d’un proche. De plus, il n’existe pas de profil type de violeur : Shinkawa était le meilleur ami de Sinon et n’avait jamais eu de comportement violent à son égard auparavant. L’anime montre aussi très bien le phénomène de sidération, qui paralyse la victime au moment de l’agression et l’empêche d’agir. Un automatisme trop peu pris en compte par le sens commun, donnant lieu à des réflexions irréalistes et dégradantes du type « La victime n’avait qu’à se défendre, sinon c’est qu’elle était d’accord, dans le fond ». Pour plus d’informations, voici un sondage Ipsos édifiant. N’oubliez pas de vous renseigner sur ce qu’il se passe autour de vous et de lutter, si vous le pouvez et comme vous le pouvez, contre les violences.

Réflexions sur l'ennéagramme

L’ennéatype 5 dans tous ses états (partie II)

Cet article est la seconde partie d’un dossier consacré à la base 5 de l’ennéagramme. Si vous n’avez pas consulté la première partie, je vous commande de cliquer ici avant de lire le texte ci-après.

Les flèches du 5 : intégration et désintégration

Il y a une logique dans la dynamique d’intégration et de désintégration du 5. Pour vérifier si l’on est concerné par cette dynamique, il ne suffit donc pas de reconnaître en soi des traits de personnalité pouvant s’apparenter à du 7 ou du 8. (Si on part comme ça, je peux vous affirmer que je suis en base 9 ! Eh oui, parce que quand ça va pas je deviens anxieuse comme un 6 et quand ça va bien je deviens très productive comme un 3. Imparable. En plus je suis un peu timide, il vous faut quoi de plus. Je fais aujourd’hui rayonner mon énergie de 9 sur cet article, c’est cadeau.) La première chose à faire est de comprendre comment l’énergie du 7 et du 8 interagissent avec avec celle du 5.

Au niveau des flèches, j’adhère à l’école française intégrant les sous-types alpha et mu. Cela signifie qu’il y a deux sous-types au sein de la base 5. Le sous-type « alpha » désigne les 5 avec un centre émotionnel en soutien et un centre instinctif réprimé. Ce sont des 5 relativement bien connectés à leurs émotions, mais qui évitent d’interragir avec l’environnement et ont tendance à se bloquer dans leur tête. Les 5 alpha s’intègrent en 8 et se désintègrent en 7. Le sous-type « mu » désigne les 5 avec un centre instinctif en soutien et un centre émotionnel réprimé. Ce sont des 5 assez conscients de leur corps et capables de s’ancrer dans l’action quand il le faut, mais qui ont du mal à appréhender leurs ressentis et ceux des autres. Les 5 mu s’intègrent en 7 et se désintègrent en 8. Je vais aborder les deux cas de figure.

Note : dans la pratique je considère qu’on peut prendre les bons et mauvais côtés du 7 et du 8 quel que soit le sous-type : les variantes alpha/mu désignent plutôt une tendance dominante.

  • Les flèches du 5 alpha :

Le 5 alpha (généralement celui dont on parle dans les descriptions quand le sous-type n’est pas précisé) s’intègre en 8 lorsqu’il est épanoui. Cela correspond à une connexion avec l’énergie viscérale qui lui fait habituellement défaut. Son ventre est comme rempli, une sensation de puissance gagne son corps et procure une agréable bouffée de confiance en soi. (Qui, contrairement à l’énergie d’une base 8, ne sera pas présente en excès mais juste au niveau qu’il faut pour que le 5 soit bien.) Dans cet état, le 5 active beaucoup plus facilement son centre instinctif, d’ordinaire réprimé. Il parle plus fort, ose s’impliquer dans l’action et n’a plus peur d’exprimer son opinion. Et pour cause : grâce à l’énergie du 8, il se sent parfaitement capable de défendre son territoire et ne craint plus ainsi d’être envahi ou vidé. Maintenant, c’est lui le patron.

Le 5 alpha se désintègre en 7 lorsqu’il va mal. Là où le 8 vient combler son vide intérieur, le 7 l’élargit et le rend encore plus avide de ressources. Dans cet état, le 5 ressent une urgence à se remplir. Il part en quête furibonde et désordonnée de stimulations pour ne pas faire face à ce trou béant qui le dévore de l’intérieur. Cela peut se traduire sur le plan physique (appétit d’ogre, addictions, besoin immédiat de dépense physique, achats compulsifs – notamment de type « collectionnite »…) comme sur le plan mental (recherche éperdue d’informations, d’interactions… sur lesquelles il est incapable de se concentrer, car le vide revient déjà et il doit trouver de nouvelles choses à dévorer !). Il peut aussi prendre le côté narcissique du 7 et essayer d’attirer l’attention sur lui, afin de générer des stimuli… bien qu’il déteste en même temps le faire et ne fasse que renforcer son stress. Dans cet état, le 5 est comme aspiré dans une boucle infernale tournant à 500 km/h. Malgré son épuisement, il n’arrive pas à stopper sa frénésie : ce serait perdre du temps et manquer toutes ces occasions de se stimuler encore ! Sur plus long terme, la désintégration en 7 peut prendre la forme d’une vision hyper-rationnelle de la vie, avec une coupure émotionnelle et des idées fixes souvent morbides.

  • Les flèches du 5 mu :

L’ennéatype 5 évite inconsciemment de se créer plus de besoins qu’il n’en a déjà. (Afin de ne pas avoir plus d’énergie à investir.) Ainsi, il comble ses besoins d’ordre mental et tend à faire passer à la trappe ce qui concerne d’autres champs, comme son bien-être corporel. Le 5 mu est moins concerné que le 5 alpha par ce problème, car lorsqu’il est épanoui, il entre au contact de l’énergie du 7. Il développe ainsi un élan d’exploration et une plus forte préoccupation pour son plaisir immédiat. Il identifie les activités qui lui procurent de la joie au quotidien et apprend à s’y consacrer sans que sa compulsion ne se déclenche. Plutôt que de les voir comme une perte de temps, qu’il pourrait passer à nourrir son centre mental, il en prend soin et les estime importantes pour son équilibre. Etant un ascète naturel, le 5 intégré en 7 pense en général qu’un plaisir est d’autant plus précieux qu’il a du sens pour l’individu (de par sa rareté, l’effort requis pour l’obtenir, etc.) : contrairement à un vrai 7, il a donc peu de risque de tomber dans l’excès. En allant vers le 7, le 5 mu devient aussi plus détendu, enthousiaste et spontané en compagnie des autres.

La répression du centre émotionnel à tendance à changer le 5 mu en boule de nerfs. S’il n’a pas l’occasion de se « décharger » sainement, il peut adopter des conduites extrêmes quand la soupape cède. Lorsqu’il se désintègre en 8, les émotions contenues en lui explosent ainsi sous forme d’agressivité. Il peut entrer dans une colère incontrôlée et spectaculaire, ou bien lutter pour garder le contrôle et emmagasiner encore plus de stress (ce qui ne fera que retarder l’explosion, et nuire à sa santé sur le long terme). Sa vision du monde devient manichéenne et il émet des jugements expéditifs sur les objets de sa frustration. Il peut également s’imaginer que le monde s’est ligué contre lui pour lui faire perdre son temps ou envahir son espace vital. Sur le long terme, le 5 désintégré en 8 devient confrontant et éprouve le besoin d’écraser les autres pour démontrer sa supériorité intellectuelle.

Les ailes du 5

L’aile nuance la personnalité de l’individu en empruntant des traits à l’un des ennéatypes adjacents (pour le 5, ce sera le 4 et/ou le 6). Ces traits servent généralement les intérêts de la base, mais peuvent aussi ajouter à la problématique centrale des problématiques de la base voisine. Toutefois, le poids de l’aile n’est jamais supérieur à celui de la base principale. Notons aussi que dans certains cas, l’aile est très peu développée et l’individu incarne juste complètement l’archétype de sa base. Chez le 5, dans de nombreux textes, l’aile 4 est associée à une part émotionnelle et/ou artistique plus importante, tandis que l’aile 6 induirait un aspect plus pragmatique. Pour ma part, je trouve cette vision très réductrice et en contradiction avec l’école des sous-types alpha/mu. Le degré de proximité avec ses émotions dépend logiquement de la hiérarchie des centres et non pas de l’aile : en effet, un 5 alpha (centre émotionnel en soutien) peut très bien emprunter des aspects du 6 tout en ayant une part affective développée, tout comme un 5 mu (centre émotionnel réprimé) peut présenter des traits de 4 en les mentalisant complètement.


  • Le 5 aile 4 : l’iconoclaste

Si les personnes en base 5 sont souvent assez atypiques dans leur manière de réfléchir, l’aile 4 renforce cet aspect. Elle vient greffer sur la base 5 des thématiques liées à l’expression de l’identité : authentique ou faux, compris ou incompris, original ou banal, etc. Plus fantasque que son cousin d’aile 6, le 5 aile 4 assume mieux de se montrer tel qu’il est en public. Il peut par exemple s’habiller de manière exubérante (après avoir étudié son style) ou aller travailler avec ses vieux pulls troués sans se soucier d’être mal regardé. Pour cette raison, le 5 aile 4 est parfois perçu comme irrespectueux ou provocateur, bien qu’il se contente généralement faire ce qui lui plait sans arrière-pensée. Il peut prendre plaisir à se spécialiser dans des domaines inaccessibles pour la masse, ou collectionner des objets rares qu’il va chasser comme des trésors (livres anciens, machines sophistiquées, pièces uniques de décoration…). Il semblerait que la plupart des 5 aile 4 aient un instinct Sx plus fort que leur instinct So, mais il n’y a pas de règle absolue.

  • Le 5 aile 6 : le solutionneur

Le 5 aile 6 enrichit sa personnalité avec de nouvelles thématiques empruntées au 6 : vérité ou mensonge, confiance ou méfiance, en danger ou protégé, etc. Tout en conservant son indépendance naturelle, ce 5 ressent le besoin de s’intéresser à des communautés ou des idéologies, et parfois d’intégrer une « meute » sur laquelle il peut compter. Il prend plus en compte la dimension sociale dans ses raisonnements que son cousin d’aile 4 : ainsi, il a tendance à adopter une conduite plus consensuelle pour éviter de faire des vagues, bien qu’il s’indigne par ailleurs face aux injustices. Sa vocation est plus de produire des travaux d’utilité publique (à minima : utiles pour sa communauté) que d’inventer de nouvelles manières de faire. Il peut chercher à défendre les opprimés et développer des compétences d’auto-défense physique et intellectuelle pour se sentir plus en sécurité. J’observe que les 5 aile 6 ont généralement un instinct So plus fort que leur instinct Sx, bien qu’il existe sans doute des exceptions.

Note : les ailes ont une très grande variété d’expression. Ces descriptions généralistes n’ont pas pour vocation d’être exhaustives.

Idées reçues sur l’ennéatype 5

Pour finir, je tiens à revenir sur quelques points qui me semblent notoirement mal compris au sujet de la base 5.

« Une personne en base 5 est obsédée par le fait d’être autonome »

Alors oui, mais attention, c’est un peu plus compliqué que ça. Je m’explique : les personnes en base 5 ont un immense besoin d’autonomie, ceci est tout à fait vrai. Toutefois le 5 est autonome par essence : en temps normal, il n’a pas besoin de réfléchir outre mesure à cette problématique, étant donné qu’il fait inconsciemment en sorte d’être toujours indépendant. C’est déjà acquis, profondément gravé dans les rouages de son fonctionnement. En fait, la peur de perdre son autonomie concerne plus les personnes en base 6 ! Celles-ci cherchent en effet un équilibre entre leur besoin de s’appuyer sur une entité extérieure pour prendre des décisions (un groupe, un mentor, une idéologie…) et la peur de devenir trop dépendants, d’être trahis, manipulés, ou de ne plus pouvoir s’en sortir par soi-même. Parce qu’ils ont conscience de leur besoin de validation extérieure, les 6 sont d’autant plus inquiétés par le fait de perdre leur indépendance. Ainsi, si vous faites la comparaison, vous remarquerez que les personnes mettant fortement en valeur leur caractère autonome (ou leur peur de ne plus l’être) sont plus souvent en base 6 qu’en base 5. (Pour un 5, ceci est tellement évident qu’il ne pense pas à le mentionner, en général.)

Le rapport aux autres du 5 dans la problématique de l’indépendance est plus proche de celui du 9 (avec qui il partage la blessure de rejet) : comme le 9, le 5 pense que ses besoins et désirs représentent un poids pour les gens autour de lui. Il projette sur ses interlocuteurs son mécanisme égotique et croit ainsi qu’il envahit leur espace et leur en demande trop. Il ne devrait pas leur infliger cela et savoir se débrouiller tout seul. Là où le 9 essaye d’oublier ses besoins par la narcotisation et la fusion avec l’autre, le 5 fait en sorte d’assurer seul sa propre subsistance, en développant ses compétences. Si un paramètre incontrôlable (maladie, handicap, situation de grande pauvreté inopinée…) s’immisce dans la vie du 5 et l’oblige à s’appuyer sur les autres, il aura ainsi deux gros problèmes à résoudre : 1) Accepter que les ressources puissent être générées par autre chose que lui-même. 2) Accepter son propre droit d’avoir des besoins, des désirs, et de demander de l’aide. Globalement, le 5 luttera contre la croyance fondatrice de son mécanisme : « Le monde extérieur n’a pas de ressources à m’offrir ». Le 5 présente une incapacité profonde à envisager de s’appuyer sur l’extérieur, plutôt que d’une peur profonde que l’extérieur ne soit pas fiable (comme chez le 6).

J’émets l’hypothèse qu’une grande partie des mistypes sur l’ennéatype 5 viennent d’une mauvaise compréhension de la notion d’indépendance chez ce profil.

« Les personnes en base 5 ne sont pas très sensibles »

La plupart des descriptions sur Internet font passer les personnes en base 5 pour des robots. Moi-même, j’ai hésité à me typer 5 parce que je me sentais beaucoup trop sensible pour correspondre à ce que je lisais. En réalité, une personne d’ennéatype 5 peut être très délicate et émotive. (J’irais même jusqu’à dire que les gens en base 5 ont tendance à se sentir vulnérables et qu’on trouve chez eux une proportion importante d’hypersensibles – sur le plan sensoriel comme émotionnel !) Le fonctionnement du 5 n’impacte pas tant l’intensité des émotions, mais la manière de les traiter. Le 5 compartimente les aspects de son existence et de son monde intérieur, afin de pouvoir larguer un compartiment défectueux en cas de besoin tout en préservant les autres. Etant donné que le compartiment « maison » est son mental, il n’est pas directement au contact de sa part affective : il ressent ainsi les choses en différé. Concrètement, dans la majorité des cas, l’émotion n’apparaît pas au moment de l’événement déclencheur (une dispute, une surprise, etc.), mais quelques temps après, une fois que le 5 est seul avec lui-même.  A ce moment-là, il peut quitter son mode analytique ordinaire et se laisser complètement aller à son ressenti. Voilà pourquoi il ne faut jamais exiger du 5 une réaction affective immédiate : son tempo naturel ne le lui permet pas. Une telle demande ne fera que le stresser et l’inciter à se fermer encore plus.

Les émotions ne sont pas la langue natale du 5, habitué à porter son attention sur la compréhension du monde extérieur. Cependant, certains 5 (y compris des mu !) parviennent à avoir une lecture très pertinente de leur vie intérieure en compensant avec leur centre mental : par exemple, en étudiant la psychologie ou les neurosciences. Soit dit en passant, bien qu’on associe souvent le 5 à l’archétype du matheux, on trouve parmi les 5 un grand nombre de profils artistiques et littéraires. L’idée reçue comme quoi les 5 seraient peu sensibles vient sans doute du fait que les textes sur l’ennéatype 5 ne sont généralement pas écrits par des 5. La description correspond donc davantage à ce que le 5 renvoie socialement qu’à ce que le 5 vit dans son intimité.

J’espère que cet exposé sur l’ennéatype 5 était clair et complet, et vous aidera à mieux comprendre le fonctionnement de cette base. Je vous invite à lire mon analyse du personnage de Nanachi, ainsi que celle de Shino Asada (aka Sinon) si vous souhaitez voir des mises en pratique des mécanismes du 5.