Réflexions sur l'ennéagramme

Pourquoi l’ennéatype 5 reste-t-il dans l’ombre ?

Avez-vous remarqué qu’il était assez difficile de trouver une célébrité en base 5 sur Internet ? Personnellement, je suis abonnée à des dizaines de chaînes YouTube et je ne saurais identifier que trois ou quatre vidéastes d’ennéatype 5 dans le lot. Pourtant, la moitié de ces chaînes produisent de la vulgarisation, le genre de contenu que les 5 affectionnent habituellement. Dès lors qu’on arrête d’associer « être en base 5 » et « partager des connaissances/s’intéresser en profondeur à un sujet » sans étudier les motivations de la personne, on se rend compte de la grande discrétion de ce profil sur la toile. Pourquoi cette rareté ? En fait, le succès populaire et l’ennéatype 5 se repoussent d’une manière quasi-mécanique. C’est le sujet de l’article du jour.

Comment les 5 brillent en société ?

Imaginez que toute la connaissance mise à la disposition du public ait la forme d’une grande toile. Sur cette toile, il y a des zones finement travaillées, voire saturées. Ce sont les domaines bien documentés, couverts par de nombreux contenus et spécialistes de la question. D’autres zones de cette toile sont vierges. Il n’y a rien à y contempler… Ce sont les « trous dans la connaissance », comme j’aime les appeler : les domaines sur lesquels peu de gens se sont déjà penchés. Ceux qui ne donnent aucun résultat ou presque lorsque vous les entrez dans une barre de recherche. La spécialité des ennéatypes 5 est de détecter ces zones vides. Lorsqu’ils en trouvent une qui les intéresse, ils y installent leur Q.G et commencent leur travail. En quoi consiste-t-il ? Eh bien, à remplir le trou, évidemment.

Une fois qu’un 5 a trouvé sa niche, il devient très compétent dans le domaine étudié. Il se repaît d’un maximum d’informations, classifie les données dans sa tête et produit beaucoup d’efforts pour perfectionner sa maîtrise. S’il est situé à un niveau d’épanouissement correct, il fera en sorte que les résultats de ses travaux soient utiles aux autres, de façon directe ou indirecte. Les 5 qui ont marqué l’Histoire étaient pour la plupart des chercheurs et des inventeurs, que ce soit dans une discipline scientifique ou ailleurs. (Il y a également des 5 artistes, athlètes…) On se souvient généralement davantage de leur œuvre que de l’individu derrière, ce qui n’est pas pour leur déplaire. Les 5 sont rarement avides de reconnaissance : ils veulent surtout pouvoir se consacrer aux sujets qui les passionnent et être laissés en paix, dans leur sacro-sainte solitude. Cependant, ils tirent tout de même une certaine fierté d’être reconnus comme une figure « sachante » dans leur domaine d’expertise (en particulier ceux de variante instinctuelle sociale). Du moins, jusqu’à un certain point…

Beaucoup de personnes se réjouissent quand le travail qu’elles réalisent touche de plus en plus de gens. Ce n’est pas le cas de l’ennéatype 5, au contraire : plus son domaine d’expertise perd son caractère marginal et devient mainstream, plus il a tendance à s’en désintéresser. Il peut être confondu avec l’ennéatype 4 sur ce point, même si leurs motivations sont très différentes. Les 5, derrière leur apparence détachée, sont en réalité investis à 100 % dans ce qu’ils font – pour peu qu’ils aient choisi de le faire. Ce sont des geeks dans l’âme. D’authentiques bon gros geeks comme on n’en fait plus. Attention, ils ne s’intéressent pas nécessairement à l’informatique ou aux comics ! Par « geeks », je veux dire qu’ils ont l’habitude de passer un temps prodigieux à étudier ce qui les intéresse, en se débrouillant tous seuls avec leur cervelle et un petit couteau…

A des niveaux de développement sains, les 5 éprouvent un réel plaisir à rendre accessible le fruit de leurs réflexions aux autres. Ils valorisent la curiosité et l’autonomie. S’ils sentent chez leur interlocuteur une envie sincère d’apprendre, ils sont heureux, peuvent déborder de passion et offrir de leur temps sans compter. Quand ils ne sont pas bloqués dans leur ego, ils font souvent d’excellents enseignants, sachant rendre intéressant presque n’importe quoi. En revanche, si un 5 a l’impression de perdre son temps et son énergie, il ferme la vanne et se retire rapidement.

Quand les projecteurs rendent nauséeux

Le problème qui se pose, c’est que la majorité de la population n’est pas composée de geeks. La plupart des gens n’ont pas envie de devenir autonomes dans leur apprentissage : ils veulent que quelqu’un d’autre leur mâche le travail et leur serve tout cuit dans le bec. Ils sont moins intéressés par la compréhension fine d’un sujet que par l’utilisation de celui-ci pour servir leurs intérêts. Ils veulent du savoir fast food, léger, rapide, sans prise de tête. Et ce n’est pas condamnable en soi : tout le monde n’a pas le temps d’étudier les sujets qui l’intriguent à la manière d’un 5. Tout le monde n’a pas à avoir cette motivation non plus. Il faut de tout pour faire une société : pendant que les 5 geekent dans leur planque, ils ne sont pas dehors en train d’agir sur d’autres fronts. Et ils sont bien contents de pouvoir se soustraire à ces tâches-là, grâce à d’autres profils qui tiennent déjà le poste.

Toujours est-il qu’il est douloureux pour un 5 de voir son « jouet » échapper à son contrôle. Son joyau de savoir, taillé et poli avec amour, partagé autrefois entre individus désireux de le comprendre et d’en faire un usage équilibré… devient un objet superficiel, dont on ne respecte plus l’essence. C’est un gadget, un morceau de pâte à modeler qui se refile de main en main, chaque fois un peu plus déformé et grotesque. C’est une propriété publique : on l’ampute, on la défigure, on la renomme, on la repeint à volonté. Tout le temps passé par le 5 à travailler sur le sujet, toute l’énergie qu’il a dépensé dans l’idée d’instruire la population, semblent avoir été vains… Naguère, le public était non-informé. Autrement dit, il était comme une outre vide attendant d’être remplie. Désormais, le public est surtout désinformé : il faudrait donc vider son outre remplie d’idées reçues, puis la re-remplir. Sachant que la désinformation se propage en moyenne 10 fois plus vite que l’information, et qu’une bonne partie des gens n’ont pas envie de revoir leurs préjugés. La tâche est monstrueuse. C’est quasiment impossible pour un 5 de tenir face au courant. Il sent ainsi venir le temps de se retirer.

A ce moment-là, le 5 opte en général pour l’une de ces deux solutions : 1) Se désintéresser complètement du sujet et aller se trouver une autre niche. 2) Retourner dans l’ombre et ne plus travailler qu’avec le noyau dur de son ancienne niche, constitué de personnes aux motivations proches des siennes. Dans le second cas, il se revendique parfois comme étant de la « vraie » école, tandis que la « populace » ne fait que singer ce qui fut autrefois une discipline empreinte d’une certaine noblesse à ses yeux.

La culture geek est un bon exemple : il y a une quinzaine d’années encore, le mot « geek » avait une connotation péjorative. Le geek, c’était un individu fermé sur lui-même, s’intéressant à des sujets étranges et abscons. L’autiste de service. (Personnellement, on me « traitait » de geek au collège.) Aujourd’hui, se revendiquer en tant que geek est perçu comme banal. C’est même une identité que beaucoup de gens recherchent, car ils la trouvent cool et valorisante. J’ai croisé des 5 que ce phénomène de mode énervait beaucoup, car selon eux, le terme geek avait été dérobé et déformé par la culture populaire… jusqu’à perdre ce qui faisait son essence. Ils s’étaient battus durant leur jeunesse pour faire de leur manière de vivre une fierté plutôt qu’une honte, et voilà qu’on s’appropriait leur problématique (qui plus est, dans une version archi-édulcorée)…

Mon expérience

Je dois le dire honnêtement : j’ai ressenti quelque chose de similaire par rapport au MBTI. A l’époque où j’ai créé L’Antre de la Chouette, il y avait très peu de contenus francophones à ce sujet. Peu de sites qui faisaient autre chose que répéter la même que partout ailleurs, et rien de vraiment développé sur YouTube, à ma connaissance. (C’est pas faute d’avoir cherché… c’est d’ailleurs sur ce constat que j’ai décidé d’apporter ma pierre à l’édifice.) En l’espace de quatre-cinq ans, j’ai vu éclore plusieurs chaînes, se développer des groupes Facebook que j’avais rejoint à leur fondation… Ces derniers sont passés de quelques dizaines à quelques centaines de membres. La teneur des échanges s’en est vue affectée.

Dans la sphère francophone, le MBTI n’est plus un truc de geeks fadas de psychométrie : le grand public se l’est approprié et commence à le faire dériver à sa guise, lentement mais sûrement. Ce n’est plus un rassemblement de passionnés souhaitant creuser ensemble le sujet. C’est un grand chaudron où les novices versent leurs théories hasardeuses avant d’avoir consolidé leurs bases. (Exemple : « Tous les T votent à droite et tous les F à gauche », « Les types T n’éprouvent pas naturellement des émotions »…) Un service de typage express, pour ceux qui veulent trouver leur identité rapidement et facilement comme on veut un nouveau téléphone. (Mais avec la même profondeur que si on avait fait des heures d’introspection sérieuse quand même. Comment ça, on ne peut pas avoir les deux à la fois ?!) Un repère pour ceux qui n’en ont cure de la théorie jungienne et ne s’intéressent au MBTI que pour leur usage personnel. J’ai fui les groupes MBTI dès que j’ai senti la vague arriver.

Les messages privés que je reçois ont changé, eux aussi. Aux débuts de mon blog, j’en recevais une grande variété, dont certains ont donné lieu à des échanges très enrichissants. Actuellement, 90 % des messages sont des demandes d’aide au typage. Par des personnes qui, en général, n’ont pas ou peu étudié le MBTI en amont, arrivent avec une grosse cargaison de préjugés et attendent que je démêle tout dans leur tête. Elles m’envoient spontanément un long pavé sur leur vie intime, parfois en insérant avant : « Je sais que tu as arrêté ton blog et que tu es très occupée, mais… ». J’ai dit clairement que je ne voulais plus ce genre de message : si quelqu’un m’envoie ça en connaissance de cause, il ne me respecte pas, c’est tout. Peu importe les fioritures qu’il y met. Il s’est dit « Peut-être qu’avec moi elle fera une exception, au culot », il ne se soucie pas de mon bien-être et ne pense qu’à son intérêt. C’est un fait. Je redirige froidement ailleurs, car je n’ai même pas la force de m’énerver.

Mais vous savez quoi ? Le pire avec ces échanges, en public ou en privé, ce n’est même pas quand on vient taper dans mon avarice égotique. Non, le pire, c’est quand je réalise que mon interlocuteur a une curiosité et un esprit critique totalement endormis. Quand je sais que j’aurai beau l’avertir, insister sur l’importance de croiser les sources, il va juste boire ce que je dis et ne rien remettre en question. Parce que si je le dis, c’est forcément nickel chrome ! (Alors que je fais des erreurs, moi aussi !) Je me sens malheureuse quand je vois ça. C’est exactement l’inverse de ce qui compte pour moi, de ce pourquoi j’ai passé des journées et des soirées entières à écrire… Et je sais très bien que ces comportements seront désormais monnaie courante si je remets les pieds sur un groupe MBTI. Parce que la plupart des gens sont comme ça dans la vraie vie, et que le MBTI appartient désormais à cette masse.

Bref. Ce n’est pas un drame en soi, qu’une discipline échappe aux gens qui ont contribué à la populariser. Les choses évoluent avec le temps, et ceci est bien normal. Néanmoins, si vous voyez de moins en moins de 5 fréquenter une sphère en pleine émergence, vous saurez désormais pourquoi. Gagnés par la lassitude, ils vont disparaître des radars, pour passer à autre chose ou se réunir dans des sous-sous-groupes secrets. Et recommencer le cycle.

La Chouette

Réflexions sur les fonctions cognitives

Petit essai personnel sur la spiritualité

En tant qu’INTJ, je possède une proximité naturelle avec l’univers de l’inconscient et des symboles. Je me passionne depuis longtemps pour les états modifiés de conscience, tels que les rêves lucides ou l’hypnose. Je suis sensible aux énergies que dégagent les gens, bien que j’évite d’en parler d’ordinaire. Au cours de ma vie, j’ai eu la chance de vivre un certain nombre d’expériences particulières et d’explorer une mystérieuse part de mon être : ma spiritualité. Bien sûr, je ne suis pas une experte. Je pense de toute manière que c’est le genre de domaine où l’on reste éternellement aspirant. Toutefois, je commence à avoir accumulé suffisamment de pratique pour dégager des réflexions qui, je l’espère, pourraient être utiles à ceux qui s’intéressent au sujet.

Dans ce dossier, je vais tout d’abord parler de mon expérience, puis présenter des théories personnelles et fournir quelques conseils.

Mon expérience

Je ne donnerai pas ici de détails sur ma pratique du quotidien, car j’estime cela trop intime. Cependant, histoire d’apporter de la matière à l’article, j’ai choisi de vous raconter quelques souvenirs marquants dans mon cheminement spirituel.

L’une de mes premières expériences spirituelles marquante s’est produite dans le cadre du scoutisme. (Car oui, j’ai été chez les scouts pendant 8 ans. Ils m’ont recueillie et élevée dans la forêt comme leur propre enfant.) Lors d’un de mes camps, alors que nous nous installions dans une clairière pour dormir à la belle étoile, mes camarades et moi avons découvert un ciel extraordinaire. Il n’y avait aucun nuage. Dans la voûte céleste, des centaines d’astres étaient visibles, des trainées brillantes resplendissaient au loin, et des étoiles filantes passaient régulièrement devant nos yeux. En plus de camper dans une zone préservée de toute pollution lumineuse, un événement spécial se produisait sans doute sur le calendrier astronomique… Je m’en suis un peu voulu de ne pas avoir étudié davantage le sujet avant de venir. Bref. Tout le monde s’est posé dans l’herbe et a contemplé le spectacle en fermant sa bouche (ou en l’ouvrant en très grand, c’est selon).

Ce que j’ai ressenti à ce moment-là est difficile à décrire. Mais je suis sûre que vous connaissez ce sentiment : le sentiment vertigineux d’être une particule minuscule au milieu de l’immensité d’un univers dont on ignore tout. Un sentiment qui vous enivre, vous engloutit, et vous fait perdre la notion de tout pendant un instant. L’envers, l’endroit, le début, la fin : plus rien n’existe, plus rien n’a de sens…

D’autres expériences du même ordre me sont arrivées au cours de mes retraites dans les bois. A chaque camp, nous avions une tradition lors de la dernière nuit avant le retour chez nous : il fallait que le feu soit entretenu jusqu’au matin. Pour cela, les scouts se relayaient en tours de garde d’une heure. Comme je ne savais pas m’imposer, je finissais toujours avec les tours dont personne ne voulait, c’est-à-dire ceux entre 2h et 4h du matin. (Te faire secouer dans ton duvet et devoir enfiler tes chaussures mouillées à cette heure-là, ça pique.) Pendant l’une de ces veillées, à l’âge de 14 ans, j’étais assise en tailleur autour du feu avec mes camarades de ronde. Nous étions un groupe de 4-5 personnes, parmi lesquelles figuraient des aînées que je considérais comme mes mentors. A un moment, j’ai cligné des yeux. Là, j’ai réalisé qu’une heure venait de s’écouler. Les autres m’ont expliqué que j’avais passé la garde à fixer les flammes sans bouger. Elles avaient essayé de me parler, mais je ne répondais rien. Voyant que j’étais dans un état second, elles avaient décidé de me laisser tranquille. Je leur en suis encore très reconnaissante.

Je n’ai jamais réussi à me souvenir de ce qu’il s’était passé cette nuit-là, au cœur de l’ombre et du silence… C’est comme si j’avais oublié ma propre existence. En « revenant » parmi les autres, j’étais envahie par une sensation extrêmement puissante. Comme si mon corps avait été transpercé par quelque chose de bien plus grand que moi. Ça m’empoignait le corps et l’âme. J’en ai chialé plusieurs nuits, et cela peut encore m’arriver quand j’y pense. En fait, cette sensation était familière. Je devais être à l’école maternelle la première fois que je l’ai ressentie. Elle est ensuite revenu de temps en temps au long de ma vie, en particulier dans les moments de grande détresse. Elle s’est affinée, amplifiée, a appris à se manifester sous plusieurs formes. Elle grandit avec moi.

Le concept d’entéléchie décrit bien cette « chose » à mon sens. L’entéléchie est la transformation de la puissance en acte : dans un sens moderne, cela désigne le processus par lequel un objet (ou un individu) passe de son état brut à son état de perfection ultime. L’intuition introvertie est comme une énergie me poussant inexorablement à poursuivre ma voie. Je ne sais pas à quoi ressemble la meilleure version de moi, mais je sens que quelque chose à l’intérieur essaye de me donner tous les moyens de le découvrir. A mon rythme. A ma manière.

J’ai souvent eu l’impression que mon intuition introvertie était à la fois « Moi » et une identité distincte. D’une part, elle épouse parfaitement chaque aspérité de mon être. D’autre part, elle agit en moi avec une telle force, une telle volonté inflexible et une telle douceur infinie en même temps… Sur le coup, je n’ai pas l’impression que tout cela puisse provenir uniquement de moi ! De plus, il arrive que la magie disparaisse, pendant des heures, des jours… Et alors, je ne sais plus comment me rendre dans mon « sanctuaire ». (La zone à l’intérieur de moi-même où je me sens totalement en sécurité, dans laquelle je passe mes séances d’hypnose et de méditation.) Il y a des jours où je peux entrer et sortir du sanctuaire comme un couteau dans du beurre, d’autres jours où je n’ai aucune idée de comment m’y rendre. Ce n’est pas grave, car je sais que cela finira toujours par revenir. Cette « chose » est liée à moi aussi intimement que le sang qui coule dans mes veines. Je ne crois pas en Dieu, ni aux esprits ou aux anges gardiens : je crois seulement en la capacité incroyable du cerveau humain à produire des résultats par l’autosuggestion. Mais ô comme je comprends que certains nomment « Dieu » cette force intérieure.

Néanmoins, en tant qu’INTJ, cette part de moi est contrebalancée par un besoin presque aussi fort de rationalité. (Et heureusement, parce que sinon je verrais des signes cosmiques partout et je serais à la merci du premier gourou venu.) Il n’a pas toujours été facile de contenter les deux à la fois. Que faire lorsque l’appel à assumer pleinement Ni nous tiraille jour et nuit, tandis que Te détruit toute pensée un peu trop mystique à son goût à coups de faits, de statistiques et de rigueur scientifique ? Pour ma part, c’est la conscientisation de Fi, faisant contrepoids à Te comme Te l’a fait auparavant avec Ni, qui m’a aidé à clarifier la situation.

Rompre la polarité rationnel-spirituel

J’ai remarqué autour de moi une tendance forte à opposer rationalité et spiritualité. Comme si dans la vie, il fallait choisir entre être un sceptique absolu, allergique à toute chose qui n’est pas étayée par des études, revue par les pairs et publiée dans Nature, ou bien, un mystique totalement perché qui a foi en tout ce qu’il croise tant que ça « entre en résonnance avec son énergie ». D’ailleurs, j’ai déjà croisé la route de personnes ayant basculé d’un pôle à l’autre au cours de leur vie, reniant ce qu’elles avaient été autrefois. De leur point de vue, elles avaient eu tort toute leur vie d’avant, puis avaient enfin découvert la vérité, la VRAIE façon de percevoir le monde.

Je ne crois pas que le rationnel et le spirituel soient opposés. Je les perçois plutôt comme complémentaires. Je pense qu’il est tout à fait possible de les faire cohabiter en harmonie dans un seul individu, voire même de les fusionner pour former un objet plus complet. Ce qu’il faut comprendre, les petits amis, c’est que l’homo sapiens (comme tous les animaux) est une espèce fondamentalement irrationnelle. Subjective. Pulsionnelle. Bref, un humain, basiquement, ça a besoin de croire en des trucs. Ce n’est pas pour rien que plus de la moitié des gens sur la planète pensent qu’une ou plusieurs entités divines ont créé l’univers. Et ce n’est qu’une forme de croyance parmi d’autres !

Certes, vous pouvez tenter de contrôler votre instinct – pas toujours constructif – et de dépasser vos croyances. En dialoguant avec votre prochain au lieu de lui mettre un coup de pied au tibia quand il vous a contrarié. En étudiant les méthodes scientifiques. En musclant votre esprit critique et en arrêtant de partager tout ce que vous trouvez avant d’avoir vérifié la source. C’est une excellente idée et je vous recommande fortement de la suivre, pour votre hygiène mentale et celle de votre entourage. Par contre, il est illusoire de penser que ces initiatives vont vous débarrasser pour de bon de votre nature profonde.

(Une minute de silence pour les Ti-dom qui vont faire des cauchemars après cette lecture.)

Un jour, vous allez oublier de réfléchir et foncer dans le tas. Un jour, ce sera trop dur pour votre ego d’admettre certaines choses, et vous serez dans le déni ou le rejet. Et ça ne sera pas grave : ça voudra juste dire que vous êtes humain. En revanche, ce jour-là, si vous êtes persuadés d’être libérés de tout affect, vous serez d’autant plus enclins à vous enfoncer aveuglément dans des contradictions bien grasses… Comment s’en sortir, dans ce cas ? Parfois, la décision la plus rationnelle est d’accorder une place à sa part irrationnelle. Si vous essayez de contenir votre besoin de croyance et de magie au fond de vous, il reviendra vous exploser à la tronche de façon incontrôlable tôt ou tard. Et là, ça sera moche, croyez-moi. C’est comme ça que d’éminents scientifiques finissent leur carrière dans une secte prônant la panacée par le jus détox. (D’ailleurs, on a donné un nom à ce phénomène : la maladie du prix Nobel !)

« Mais enfin, La Chouette ! Comment peut-on adhérer à des pratiques alors qu’on sait très bien que ça ne marche pas ? C’est la science qui le dit ! ». En général, les études ne disent pas que telle méthode ésotérique/pseudo-médicale ne fonctionne pas : elles disent qu’elle ne produit pas d’effet supérieur à celui observé dans le groupe placebo. L’effet Placebo, ce n’est pas une absence d’effet. Il se passe concrètement quelque chose dans le cerveau, lors d’un effet Placebo. De la même manière, si l’on place une personne en état de transe chamanique dans un scanner, ça fait swinger les données. (Sérieusement, y’a des gens qui ont essayé.) Certes, tout cela ne soigne pas le cancer et le sida, ni même le rhume que vous vous traînez depuis la semaine dernière… Mais franchement, vous ne trouvez pas super cool que vous cerveau soit capable de vous donner l’impression d’aller mieux à partir de RIEN ? (Aucun principe actif, en tout cas.) Vous imaginez si on trouvait un moyen d’optimiser ça ? Moi en tout cas, ça me donne envie de tester des trucs.

Attention ! Comme je l’ai expliqué, passer outre la polarité rationel-irrationnel n’est pas une voie que choisissent de suivre massivement les « spiritualistes ». Ainsi, beaucoup d’entre eux éprouvent du mépris pour la logique, les faits ou même la recherche de cohérence… Si vous êtes de type T (ou avez une fonction T très active), votre fonctionnement en lui-même sera vu par ces gens comme une manifestation d’immaturité, voire d’infériorité. On s’adressera à vous d’un ton mielleux, vous considérant comme une brebis égarée qui n’a pas encore vu la Lumière. Il faudra vous habituer à ça : vous aurez du mal à trouver des interlocuteurs ouverts à votre approche. De fait, vous évoluerez principalement en solitaire. Toutefois, nous allons voir que cela n’empêche pas de développer une pratique enrichissante.

Explorer sa spiritualité : en pratique

Vous souhaitez vous éveiller davantage à la spiritualité ? Commencez par l’intégrer dans votre quotidien. Cela nécessite de l’auto-discipline (sans avoir besoin d’être un moine ascète non plus !), de la patience et de nombreuses recherches. Mais surtout, c’est une ouverture à un terrain de jeu qui n’appartient qu’à vous, avec votre imagination pour seule limite.

Travailler son ancrage

Parmi les enseignements du scoutisme et des arts martiaux – qui sont mes deux gros piliers philosophiques -, on retrouve beaucoup la notion d’« esprit sain dans un corps sain ». C’est pour moi une base à toute pratique spirituelle, qui est trop souvent négligée. Méditer entre deux gueules de bois, c’est aussi cohérent que de vous enfilez un paquet de clope après votre séance de course à pied. La spiritualité, en tout cas telle que je la conçois, n’est pas un état qu’on invoque 20 minutes par mois (« Comme j’ai la flemme de réviser, je pratique la combustion rituelle des feuilles de laurier pour réussir mes examens ») : c’est quelque chose qui se vit au quotidien. Sans avoir besoin d’y penser 24h/24, on organise sa vie de sorte à lui laisser de l’espace pour éclore. On ménage des moments durant lesquels elle va pouvoir s’exprimer. Ceci est particulièrement valable pour les types NJ : comme je l’avais expliqué ici, l’intuition introvertie est une fonction avec un tempo lent, qui a besoin de beaucoup de calme et de temps pour travailler.

Tout cela ne doit pas nécessairement être compliqué ou cérémonieux. On peut être spirituel en arrosant ses plantes ou en faisant cuir son riz ! Si par nature vous êtes détaché de votre environnement et de votre corps, porter attention à ce que font vos mains est un acte spécial en soi. Parfois, préparer du thé ou contempler le coucher du soleil a plus de sens pour quelqu’un qu’appliquer je-ne-sais-quels préceptes millénaires. A l’inverse, certaines personnes ont besoin de rituels très élaborés, afin de sentir une coupure nette avec leur quotidien.

Pour favoriser ces moments, il est nécessaire de trouver un rythme constructif. Ne pas se coucher trop tard. Ne pas traîner toute la journée au lit. Manger équilibré, en quantité adaptée et selon des tranches horaires fixes. Evoluer dans un environnement un minimum propre et rangé. Ne pas se bourrer ou se shooter régulièrement. Si cet ancrage n’est pas mis en place, la pratique pourra être difficile d’accès, voire dangereuse. En effet, un corps déphasé n’est pas forcément apte à encaisser certaines expériences psycho-spirituelles. S’il n’est pas possible de suivre un rythme sain pour une raison X ou Y (vous travaillez de nuit, vous avez des problèmes médicaux, vous souffrez de boulimie, vous avez du mal à joindre les deux bouts…), la priorité devrait aller soit au rétablissement d’une situation plus favorable, soit à la création d’un ancrage qui vous est propre en intégrant les obstacles de votre quotidien. Par exemple, si vous passez la plupart de votre temps au lit à cause d’une maladie chronique, vous aurez un rythme différent et une définition personnelle d’un « temps d’activité ».

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas se comparer aux autres et se mettre la pression par rapport à eux. L’essentiel est de faire de son mieux, et de se rappeler que c’est notre progression par rapport à nous-même qui a du sens. J’ai passé 8 ans à me comparer aux autres au dojo, alors que je suis dyspraxique (comme beaucoup d’autistes) : évidemment, je me sentais nulle. J’apprends lentement, j’ai besoin que l’on m’explique les choses d’une manière particulière, sans quoi je ne comprends rien… Je n’ai jamais réussi à suivre un cours de poomse au taekwondo, et j’ai mis une année entière pour apprendre les mouvements de base d’un kata de karaté. (Note : les poomse et les katas sont des enchaînements martiaux codifiés.) Et je ne parle pas de renforcer les postures ou d’affiner les coups, non : juste d’intégrer là où je devais vaguement placer mes pieds et mes mains. A maintes reprises, je me suis sentie coupable : coupable de ralentir le cours, coupable de ne pas être conforme aux méthodes d’enseignement classiques, coupable que le maître m’ait attribué une ceinture noire de taekwondo alors que je ne saurais refaire pratiquement aucun poomse… Je ne compte pas le nombre de crises d’angoisse que j’ai faites dans le couloir, en m’enfonçant dans cette culpabilité. Aujourd’hui j’ai totalement résolu ce problème et… Nan, je déconne. C’est un travail de longue haleine : reposez-moi la question dans 10 ans. Pour l’instant, je vous partage seulement mon idéal à atteindre.

Être authentique et créatif

Certaines personnes éprouvent du soulagement, voire de la fierté, lorsqu’elles réalisent qu’elles sortent du moule : peut-être est-ce vrai pour vous, qui me lisez. Dans ce cas, vous allez sans doute trouver ce qui suit complètement évident. Mais pour un utilisateur de Te comme moi, sortir du moule, c’est angoissant. Si je n’entre pas dans le moule, où puis-je me réfugier ? Ironiquement, la vie n’a jamais eu de cesse de me rappeler que je n’étais pas quelqu’un de « normal ». Dans tout ce que j’ai entrepris, j’ai fini par me heurter à ce constat. Peu importe la résistance que j’y mettais ; et dieu sait que j’en ai mis ! Ce fut la même chose avec la spiritualité. J’ai survolé pas mal de domaines en ésotérisme. De la sorcellerie à la lithothérapie, en passant par les soins à l’Iboga, les médiums et autres chamans. Durant mes pérégrinations éditoriales, je me suis même retrouvée à travailler pour un écrivain/maître yogi ESTP et à lire les « cours de magie kabbalistiques secrets feat anges gardiens, invocations d’élémentaires et cartomancie » d’un groupe plus ou moins sectaire. (Je me suis demandé plusieurs fois si je ne lisais pas un manuel de Pathfinder, en plus compliqué.)

A aucun moment, au cours de mes lectures et discussions, je ne me suis identifiée à ces pratiques. J’ai fini par accepter qu’une fois encore, je serais incapable d’adhérer à une structure préexistante : pour que ma spiritualité grandisse, il fallait que l’invente. Que je picore les données qui m’intriguent, que je les laisse reposer, jusqu’à ce que mon intuition introvertie me ponde une synthèse constructive (en ayant pris soin de faire coller le tout à mon âme exaltée). Je continue encore aujourd’hui de construire cela, petit à petit. Je pense que beaucoup de gens gagneraient à essayer de bâtir leur propre système de croyances, plutôt que se forcer à entrer dans une discipline qui ne leur convient qu’à moitié. Soyons réalistes : il y a de nombreuses situations où il est plus sage de fermer sa gueule et de rentrer dans le rang. (En tout cas, si vous voulez avoir la paix, votre diplôme ou vos allocs.) Mais là, on parle de vos croyances, de ce qui fait vibrer votre petit kokoro et vous donne une raison de vous lever le matin : il n’y a rien de plus personnel que cela !

J’ai croisé moult individus se disant peu ou prou : « J’ai envie de me pencher vers tel domaine, mais apparemment cela implique de croire en les esprits de la nature. Or je n’y crois pas vraiment. Devrais-je me forcer pour pouvoir pratiquer le reste ? ». Je vais vous dire une chose : on s’en branle. La question n’est pas de savoir si le panthéon nordique, les fantômes ou les petits lutins des bois existent. La question, c’est de savoir si votre pratique produit des résultats. Est-ce que ça vous apporte quelque chose ? Est-ce que vous en ressentez le besoin ? Est-ce que ça vous fait du bien ? Est-ce que c’est sans danger pour votre intégrité et celle des autres ? Très bien : faites-le.

Porter votre pendentif en cornaline vous rend moins nerveux pendant vos exposés ? Portez-le. Tracer des cercles de sel par terre pour purifier votre intérieur, ça vous fait kiffer ? Tracez-les. Méditer en tailleur ça ne marche pas avec vous, vous préférez méditer en forêt à dos de poney ? Méditez comme ça vous chante. Une pratique vous inspire, mais vous souhaitez la réinterpréter à votre sauce ? Allez-y, bon sang ! La Brigade de la Spi ne va pas débarquer dans votre salon en beuglant : « Monsieur, Madame, vous utilisez un pendule de radiesthésie pour faire autre chose que de la radiesthésie. Un seul châtiment est à la hauteur de votre dissidence : LA MORT ! ». Evidemment, si votre but est de vous intégrer dans une communauté de pratiquants, il y a des principes (plus ou moins gravés dans la pierre) auxquels vous devrez adhérer. Mais si vous êtes tout seul chez vous et que vous ne faites de mal à personne, il n’y a aucune raison logique de tergiverser : faites ce que vous voulez. Assumez-vous. Inventez-vous. Personne ne vous regarde et en plus tout le monde s’en fout !

Et si la spiritualité vous ennuie, regardez le Seigneur des Anneaux, ça devrait bien se passer.

La Chouette

Le type INTJ

Les « faux » INTJ

Un constat revient fréquemment chez mes comparses INTJ et moi-même : une partie non-négligeable des personnes se définissant comme INTJ ne le sont pas. (Idem concernant les ENTJ, soit dit en passant.) Du moins, rien ne laisse penser que leur déclaration soit fondée. Je ne suis pas du genre à courir après les gens que j’estime dans l’erreur au sujet de leur type, notamment si nous sommes séparés par des écrans. En général, je me contente de relever les incohérences observées, puis de laisser mon interlocuteur se débrouiller avec ces éléments. Après tout, s’il étudie sérieusement le MBTI et dispose d’un cerveau fonctionnel, il devrait finir par comprendre sa confusion. J’ai tenté de réunir ici les éléments conduisant à s’identifier à tort au type INTJ (ou à son cousin extraverti, dans une moindre mesure) afin de mieux saisir les mécanismes en jeu dans ce mistype.

Pourquoi on se pense INTJ ?

En premier lieu, si l’on déduit que l’on est INTJ, c’est parce qu’on se reconnaît dans une définition de ce type, qu’on s’identifie à une certaine représentation du profil… Deux points peuvent déjà poser problème.

Primo, la fonction dominante de l’INTJ est l’intuition introvertie. Il s’agit de l’une des fonctions les plus complexes à définir, étant à la fois abstraite et tournée vers l’intérieur. Les ressources en ligne ont tendance à l’expliquer de manière incomplète, voire carrément incorrecte. En outre, lesdites ressources sont généralement rédigées par des gens n’utilisant pas eux-mêmes la fonction Ni. Sans le vouloir, ils la résument donc à ses manifestations visibles depuis l’extérieur, sans capter son mécanisme profond. (Je déconseille aux gens de trop s’appuyer sur mes textes à propos de la fonction Ti pour cette raison, car j’ai conscience d’en avoir une conception limitée.) Ainsi, si j’interroge les intéressés, la plupart s’appuient sur une vision réductrice de l’intuition introvertie. Ils la résument à des clichés et imaginent qu’elle monopolise certains usages, alors que ce n’est pas le cas du tout. Par exemple « la fonction Ni permet de voir loin dans l’avenir », « la fonction Ni rend son utilisateur clairvoyant », « la fonction Ni octroie de la sagesse et un sens spirituel développé »… leur description vague de Ni est souvent en réalité une définition de l’intuition en général (même pas forcément dans son usage chez les types N).

Dans les faits, il peut s’agir de types NP n’ayant pas intégré que tous les NP n’étaient pas des gros bordéliques avec un TDAH, incapables de faire le moindre choix et n’accomplissant rien de leur vie. Ils se disent qu’à partir du moment où l’intuition est assez canalisée pour servir un projet sur le long terme, leur permet d’anticiper des événements et de décoder des messages cachés, elle a forcément une orientation introvertie. En y regardant de plus près, on remarque que le binôme Ni-Se ne se manifeste pas chez eux. Ils ne sont pas concernés par les problèmes typiques des utilisateurs de Se en inférieure, telle que la peur du chaos, le besoin de contrôle excessif, la perception du monde extérieur comme étant imprévisible et dangereux… Ils aiment au contraire explorer, sont excités par l’inconnu, ont une explosion d’énergie face à la nouveauté et se lassent vite ensuite, apprécient passer du coq à l’âne sans se retenir et mettre le bazar dans les conversations (car cela les détend de se lâcher !)… Ils ne rencontrent pas de blocages particuliers là où les INTJ doivent lutter, tout en ressentant de la frustration dans les cadres prévisibles si sécurisant aux yeux d’un Ni-dom. Ils mélangent « prévoir le futur » (Ni) et « imaginer le futur » (Ne), emmêlant prédictions et aspirations au gré de leurs envies…

Il peut s’agir également de types SP ayant bel et bien la fonction Ni dans leur pack, mais confondant l’utilisation dominante avec l’utilisation tertiaire ou inférieure. (Dans le cas présent, ce sont plutôt les ISTP et ISFP qui s’estiment volontiers INTJ.) Ils croient que les fonctions placées en 3e ou 4e place sont inexistantes, ou que l’individu les utilise systémiquement mal. Que nenni. Cela signifie seulement que la fonction n’est pas considérée en priorité. Elle comble les intérêts des fonctions du dessus au lieu d’exister pour elle-même. Par exemple, un ISxP jardinier est capable d’utiliser sa fonction Ni afin de deviner instinctivement la maladie touchant une plante dont il prend soin. Son inconscient va dégager la réponse la plus probable à partir de ses expériences accumulées. A partir de 25-30 ans, un ISxP est souvent devenu bon à ce style de jeu. Or ici, l’intuition est invoquée en complément d’un examen sensoriel (Se), afin de servir un objectif concret. Ce n’est pas l’utilisation de Ni caractéristique des INTJ. Au contraire, les illuminations leur tombent la plupart du temps sur un coin de la figure indépendamment de ce que captent leurs sens. En tout cas, le lien entre la vision et l’information sensorielle n’est pas évident, puisque la fonction Se agit principalement sous le seuil de la conscience. Voir mon article sur l’axe Ni-Se dans les pratiques quotidiennes chez les INxJ.

Secundo, la représentation populaire de l’INTJ me semble assez éloignée de la réalité. Personnellement, en découvrant le MBTI, j’ai commencé par me typer à tort INFJ. Pourquoi ? Parce que je ne m’identifiais pas à un cliché de matheux dénué d’émotions et avide de pouvoir, dont le seul défaut est d’être trop brillant pour le commun des mortels. (Même si c’est vrai, ce n’est pas mon seul défaut, voyons.) C’est ainsi que sont décrits couramment les INTJ sur Internet : comme des êtres insensibles, dominants, inatteignables, entourés d’une aura mythique… en somme, des ENTJ introvertis et sans les difficultés relatives au fait d’être NTJ. Dans la rubrique « faiblesses », on peut lire peu ou prou « les NTJ sont méchants et vous prennent pour des cons », mais nulle mention de nos ressentis ou de nos raisons d’agir d’une manière jugée désobligeante. Point de développement au sujet de notre gestion identitaire particulière, de notre vulnérabilité sensorielle, des dégâts causés par le manque d’attention porté à notre propre bien-être… Nous ne sommes guère qu’un binôme Ni-Te/Te-Ni sur pattes à la sauce blockbusters américains, des monstres écrasant les obstacles en s’exclamant « L’univers est à notre botte ! ». Notre Ni est résumé à de la voyance du dimanche et notre Te à « être capable de suivre un planning », « rendre son dossier à l’heure », « dire parfois des choses sur un ton affirmé » et « faire des blagues sur son projet de domination du monde, LOL ».

Le paradigme sociétal dans lequel nous vivons valorise la fonction Te (il faut être efficace, exploiter les ressources de façon optimale, se bouger, grimper l’échelle sociale, etc.) et la communauté MBTI la fonction N : aussi, l’archétype NTJ représente-t-il pour certains une sorte de Graal. Dans la tête de ceux qui se croient INTJ, il y a souvent une association entre la correspondance à ce type et l’appartenance à une caste supérieure. (Que ce soit au niveau intellectuel, social, spirituel, etc.) Preuve accablante : quand on leur demande comment cela se fait-il qu’ils ne rencontrent pas les difficultés classiques relatives à leur soi-disant binôme Fi/Se inférieur, ils répondent qu’ils ont déjà dépassé ce stade. En effet, leur superbe intuition introvertie (#vieille-âme) a précipité leur mûrissement et résolu toutes leurs tensions internes, en général avant 25 ans. M’est avis qu’il ne faut vraiment pas vivre dans la peau d’un NTJ pour débiter des excuses pareilles…

Les NTJ ne sont pas plus forts, plus matures ou plus adaptés par essence : ils perdraient probablement leurs avantages dans un autre paradigme. Ils sont par exemple peu intégrés dans les milieux militants, ou leurs analyses factuelles et froides sont globalement mal reçues. (Regardez la manière dont Jean-Marc Jancovici, scientifique et militant écologiste ENTJ, se fait rejeter par ses confrères de lutte à cause de ses positions argumentées sur le nucléaire. A titre personnel, je m’intéresse à de nombreux sujets sur un plan idéologique, mais je travaille presque exclusivement seule, car impossible de m’intégrer aux groupes militants – où le F domine de façon écrasante.) Accéder à un équilibre personnel est un travail de longue haleine pour tout le monde, aucun type ne fournit un billet magique vers la félicité. Le fait est que si quelqu’un ne rencontre aucun problème d’INTJ, soit il se ment à lui-même, soit il n’est pas INTJ. Et s’il a réellement résolu ses dilemmes, il est en mesure de raconter son vécu, plutôt que s’appuyer sur des élucubrations floues interchangeables avec n’importe quel type.

Qui se mistype INTJ ?

Le mistype est un phénomène par lequel nous sommes très nombreux à passer. Ce n’est pas grave de se tromper ! On peut avoir mal cerné un point de MBTI ou avoir fait une erreur d’auto-analyse, et mettre du temps à le réaliser. Il est parfois difficile de s’accepter tel que l’on est. Par contre, c’est plus problématique quand on n’a pas envie de comprendre le MBTI mais juste de jouer à faire semblant, qu’on est totalement fermé aux conseils des autres, voire quand on utilise sa persona pour justifier des comportements discutables. Le risque est double pour la personne persistant dans un mistype. D’une part ce n’est pas épanouissant pour elle de s’accrocher à une mauvaise grille de lecture : elle va mal interpréter voire totalement contre-interpréter les situations qu’elle vit. Et pendant qu’elle se félicite d’être un NTJ étonnamment affranchi des problèmes égotiques de NTJ, elle ne remarque pas le travail à faire sur l’ego de son type réel ! D’autre part, en parlant au nom d’un type qui n’est pas le sien, on participe à diffuser des idées reçues à son sujet.

Certains types ont vu leur représentation populaire déformée, à force de ne pas être respectés dans leur définition. Par exemple, les INFP s’identifient massivement au profil INFJ et brandissent leurs problèmes d’INFP comme étant des problèmes d’INFJ. Résultat, aujourd’hui, une majorité de descriptions d’INFJ sur Internet ne rendent pas compte des réelles difficultés des INFJ et s’adressent plutôt aux INFP. Ce qui entretient bien sûr le cercle vicieux, les INFP s’identifiant aux descriptions « d’INFJ ». Difficile de leur en vouloir, quand on constate le foutoir ambiant. Le même genre de phénomène est en train de se produire concernant les types NTJ. Quand mes connaissances NTJ évoquent leur vie quotidienne, ils obtiennent d’ailleurs plus de réactions de « faux NTJ » ne comprenant pas de quoi ils parlent (forcément, ils ne le vivent pas), que de conseils d’authentiques NTJ. Tout fout le camp, mes amis. La décapitation des mécréants n’étant pas ma tasse de thé, je vais plutôt relever les profils participant le plus à ce phénomène et expliquer pourquoi.

– D’autres types NT

Plutôt prévisible. L’INTP et l’INTJ se ressemblent de l’extérieur, en particulier en base 5 (justement la plus commune chez ces deux profils). Sans étude approfondie des fonctions, la confusion est aisée à faire. Même avec ladite étude, en fait, ce n’est pas gagné ! Si l’INTP a reçu une éducation valorisant des traits plus typiquement INTJ (comme l’organisation, l’adaptation aux attentes extérieures au détriment de l’identité, etc.), il peut avoir du mal à distinguer l’inné de l’acquis dans sa personnalité.

L’ENTJ use des mêmes fonctions que l’INTJ : pour peu qu’il soit isolé par contrainte ou simplement misanthrope, il a tôt fait de s’imaginer introverti tout en se reconnaissant – à raison – dans le reste. Les descriptions d’INTJ sur la toile mettent peu en évidence les limites liées à Se-inf et insistent non sans lourdeur sur la maladresse sociale… ce qui sied paradoxalement mieux à l’ENTJ qu’à l’INTJ ! En effet, avec leur axe Te dominante/Fi inférieure, les ENTJ ont grand peine à gérer l’équilibre entre le contrôle du monde extérieur et le respect de leurs propres ressentis. Chez les INTJ, le Te domine Fi mais ne l’écrase pas de manière aussi radicale. Les problèmes occasionnés sont donc présents (tendance à trop travailler, être déconnecté émotionnellement…), mais ne constituent pas sa principale faiblesse.

L’ENTP est moins enclin que les trois autres types NT à effectuer des recherches poussées sur un sujet : s’il s’en tient à des définitions globales (voire mon développement sur la confusion Ni/Ne/N ci-dessus), il peut s’arrêter sur l’archétype INTJ « intello qui aime argumenter et avoir raison » sans prendre la pleine mesure de sa signification. De surcroît, les ENTP se considèrent souvent introvertis, car ils sont plus détachés et autonomes socialement que la plupart des autres types extravertis. Ils peuvent s’éclater tout seuls chez eux un moment grâce à leur imagination débordante, bien que la solitude leur prenne de l’énergie.

– Les INFJ

Certains INFJ très cérébraux (avec des bases ennéagramme de centre mental, notamment) peuvent se croire INTJ, car ils ne correspondent pas aux clichés habituels. Ils fonctionnent généralement avec une fonction Ti très forte, brouillant l’expression du Fe. Ils ne sont pas aussi doux et serviables qu’on l’attendrait d’un FJ, s’intéressent plus aux sciences dures qu’aux sciences humaines ou à l’art… Ils interprètent leur difficulté à ne pas capter leurs propres émotions pour du Fi-ter, alors qu’il s’agit plutôt d’un Fe (par définition, une fonction qui se tourne vers l’extérieur et non vers le sujet). Une exploration plus précise des fonctions cognitives permettra de différencier l’axe Fe-Ti de l’axe Te-Fi chez eux. Toutefois, il paraît souvent extrêmement dur de trancher sur l’identité de ces profils, tant l’auxiliaire et la tertiaire sont diluées l’une dans l’autre. J’en ai vu plusieurs se décrire uniquement comme des « INJ ». Je conseille de s’aider de l’ennéagramme, afin de mieux cerner les motivations derrière les comportements de l’individu.

– Les ISTx

J’ai déjà évoqué le cas de l’ISTP retrouvant sa fonction Ni dans l’INTJ, et partant du principe que « posséder une fonction Ni » = « être Ni-dom ». Vu de l’extérieur, il est vrai qu’entre un ISTP avec une fonction Ni développée et un INTJ avec une fonction Se pas trop dégueulasse, la différence n’est pas évidente. C’est surtout le relâchement des fonctions inférieures qui va trahir le véritable type de l’individu. On pourrait me croire ISTP en m’observant exclusivement à mon entraînement d’arts martiaux, car cette activité mobilise principalement Se. Toutefois, par rapport à un SP, je dois fournir un effort bien supérieur pour le même exercice. Je vais me fatiguer plus vite et cela va se voir. (Je ne vais plus réussir à bouger un membre sans me perdre dans une myriade de questions inutiles sur le sens de mes actes, les bruits ambiants vont me paraître insupportables, je vais me sentir gênée par ma tenue de sport, etc.)

Il en va de même avec un ISTP que vous traînez dans une longue discussion théorique. Il va suivre sans souci au début, puis se sentir las et vouloir passer à autre chose – là où l’INTJ n’en sera qu’à l’échauffement. Même constat avec l’ISTJ qui se croit INTJ, après avoir allègrement confondu « avoir un cerveau » et « être N ». (Là non plus on ne va pas lui en vouloir, puisque c’est ce qu’on sous-entend en permanence dans les communautés MBTI. Il faudrait arrêter ça, d’ailleurs.) Il aura beau dire, son manque d’endurance face aux activités typiquement N, telles que les discussions sur des sujets abstraits, le trahira.

– Les types FP

Cela peut paraître étonnant, mais une part généreuse des « faux INTJ » (et faux NTJ en général) m’ont l’air d’appartenir à la famille FP ! Ici en l’occurrence, de nombreux INFP et ISFP se pensent INTJ (surtout ceux avec un ennéatype mental) et de nombreux ENFP et ESFP sont persuadés d’être ENTJ. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, les FP disposent d’une fonction Te, à l’instar des TJ. Arrivés à un certain âge, lorsqu’ils commencent à conscientiser leur pensée extravertie (et leur fonction Ni pour les SFP), ils ont naturellement envie de la mettre en valeur. Comme le fait n’importe qui avec ses fonctions inférieures, en somme. Plus nous sommes mal à l’aise avec une part de nous-mêmes, plus il est gratifiant de constater que l’on progresse avec elle. (Je ne vous raconte pas à quel point les INJ aiment se la péter dès qu’ils savent faire quelque chose avec leur Se, bien qu’ils ne l’assumeront probablement pas devant vous…) A côté de ça, nos fonctions préférées paraissent si évidentes que leur présence est parfois difficile à cerner sans remarques extérieures. Ainsi, les FP sont enclins à se typer à l’envers et à se projeter en NTJ.

Deuxièmement, les FP, de par leur fonctionnement, sont les gens les plus susceptibles de se tromper de type. Ils ne se prennent pas spécifiquement pour des NTJ, mais aussi pour n’importe quel type autre que le leur. Vous me direz : « Comment cela se fait ? Les FP sont pourtant les êtres les plus conscients de leur identité et de leurs goûts ! Ils devraient aisément identifier à quel profil ils appartiennent ! ». En fait, leur don est à double-tranchant. Comme ils mêlent volontiers « Qui je suis », « Qui je pourrais être » et « Qui je voudrais être », ils excellent à se projeter dans des rôles. On trouve d’ailleurs beaucoup de FP dans le domaine du théâtre, de l’art, de l’animation… Or leur projection peut être si intense qu’ils s’y perdent et la confondent avec leur vraie nature. (Par exemple, ils ne différencient pas nécessairement « être apte à s’organiser et à finir son travail quand la situation l’exige » et « être un bourreau du travail qui sur-organise spontanément les choses ». Ils retiendront les fois où leur Te a été correctement utilisé et prendront cela pour un trait central de leur caractère… sans se rendre compte qu’il s’agit juste du minimum syndical pour un vrai TJ.) Si certains FP trouvent leur type en un clin d’œil, d’autres s’égarent complètement. Il devient alors difficile de les ramener à la réalité.

Les FP présentent des difficultés à hiérarchiser les informations. Lorsqu’ils se documentent sur un profil, ils vont plus se focaliser sur les anecdotes qui font échos en eux, que sur la structure globale. Leur identification va également porter sur ces détails, indépendamment de leur compatibilité avec le mécanisme psychologique encadrant le tout (et constituant donc la définition du type). Concrètement, un IxFP est capable de vous annoncer en toute bonne foi « Je suis INTJ parce que je souffle longtemps sur ma soupe avant de la boire, c’est du Se-inf » même si 99 % des caractéristiques de base de l’INTJ ne lui correspondent pas. Là où les TJ s’appuient sur des définitions fixes des objets extérieurs (par exemple : « Une figure à quatre côtés égaux et perpendiculaires est appelée un carré »), les FP s’appuient surtout sur leur ressenti pour décrire les choses. Si un FP perçoit intérieurement ce carré comme un triangle, il affirmera : « C’est un triangle. Oui, on dirait un carré, mais en fait il a vécu des expériences particulières, faisant qu’il ressemble à un carré mais n’est pas un carré. Je le sens. Tu essayes de l’enfermer dans des clichés, mais il peut aussi être un triangle ! ».

Ceci est une métaphore, il y a évidemment des FP brillants en mathématiques. Leur problème n’est pas qu’ils soient dénués de logique, mais qu’ils utilisent leur logique de manière sélective. Ils peuvent être tout à fait rationnels… puis, à un moment, décider s’asseoir sur la réalité objective et de la redéfinir d’après leurs ressentis. (Des « Ok, je ne corresponds pas à la liste de caractéristiques du type X selon la théorie officielle du modèle, mais je suis du type X quand même, car je le sens ! », j’en ai eu des pelletés.) Vous aurez beau démontrer par A+B à votre interlocuteur qu’il n’est pas INTJ, car il ne correspond pas à l’essence même du type, celui-ci n’en aura cure : il se sent INTJ, donc il l’est. Il ne différenciera plus les faits des opinions, agrippera tous les micro-éléments validant son ressenti et ignorera le reste, même si cela implique de friser l’overdose d’absurdité dans votre cerveau de TJ. S’il reste coincé dans ce processus, il peut ne jamais réaliser son erreur. Vous ne pouvez malheureusement pas y faire grand-chose : il ne s’en rend pas compte, n’a aucune mauvaise intention la plupart du temps et suit seulement son instinct. Le temps et l’introspection sont généralement le meilleur moyen de résoudre la question.

Note : Il paraît que la boucle Ni-Fi sert parfois à expliquer son identification à l’INTJ malgré un fonctionnement NF. Attention ! La boucle Ni-Fi est une variante de l’état INTJ déclenchée par un stress intense, une expression de la détresse : on est prisonnier dedans contre son gré, ce n’est pas une forme d’homéostasie. On prend les pires aspects de l’INFJ et de l’INFP pour en faire une chimère dégueulasse. Perso la boucle Ni-Fi, ça ne m’est arrivé durablement qu’une fois, ça devait être en 2017. C’était un cauchemar et je ne veux plus jamais vivre ça. (D’ailleurs j’aimerais pouvoir l’oublier.)

Pour que l’INTJ retrouve son sens

Ce n’est pas parce qu’on est de type T qu’on ne finit pas par s’agacer du non-respect des outils théoriques chers à nos yeux. La parole des NTJ est en train de perdre son impact, à force d’être associée à tout et n’importe quoi. Le MBTI n’est pas sensé être un jeu de rôle, où chacun prend le masque qu’il veut et part se promener avec, sans se soucier de l’impact sur les autres membres de la communauté. Il y a des vraies personnes derrière chaque type, avec de vraies problématiques, usant du MBTI dans le but de résoudre ces dernières et de rencontrer des gens expérimentant des situations similaires.

A quoi bon définir des profils, leur associer des forces et des faiblesses, s’ils sont finalement tous interchangeables ? Pourquoi créer une communauté d’entraide, si la personne s’interrogeant à propos d’un point de développement de son type lit plus de réactions hors-sujets que des réponses constructives ? Comment peut-on se sentir à l’aise, si l’on se retrouve à devoir à expliquer à des « NTJ » qu’il est désagréable de les voir créer 15 sujets par jour pour une question d’une ligne à laquelle ils ont à peine réfléchi, qu’on n’apprécie pas de subir leur forcing émotionnel, qu’on n’a pas envie de digresser du sujet, etc. ? En particulier quand ces « NTJ » n’y voient pas l’ombre d’un souci, nous qualifient de psychorigides trop fermés affectivement, puis retournent exhiber leur persona en ne réalisant même pas qu’ils méprisent le profil qu’ils prétendent avoir ! (A titre personnel, cela me donne vraiment l’impression d’être une bête de foire, une propriété publique épongeant les fantasmes des gens !)

Je revendique donc par le présent texte que l’on rende à César ce qui lui appartient. Il serait temps d’arrêter de s’identifier à l’INTJ pour les mauvaises raisons et malgré des caractéristiques hautement contradictoires avec ce type. Histoire qu’on reparte sur une bonne base, je vais tenter de récapituler ci-après ce qui fait la moelle du type INTJ, à partir des sous-mécanismes composant ce profil.

L’INTJ est un IxxJ

C’est-à-dire qu’il utilise une fonction dominante de perception introvertie. Le défaut principal des types IxxJ est de classer et analyser excessivement les informations déjà connues dans leur esprit, rechignant à aller piocher des données supplémentaires. (Je souligne, car c’est un élément qui n’a pas l’air intégré du tout par une partie des amateurs de MBTI, alors que c’est vraiment la base du Ni/Si-dom.) Les IxxJ sont très dérangés par la sensation de chaos, d’imprévu et d’éparpillement : c’est leur bête noire, leur talon d’Achille. Essayer de nouvelles choses est effrayant pour eux, surtout s’ils ne peuvent pas bien les anticiper ou les contrôler. Ils ont rarement envie de le faire. Et quand ils le font, ça vient d’eux : on ne peut pas les forcer, ils résistent à se faire entraîner. Ils peuvent paraître fermés d’esprit et rejeter en bloc les propositions innovantes (bien qu’ils soient souvent en mesure de revenir dessus un moment après). Si vous prenez plaisir à foutre le bordel sur les réseaux sociaux ou en boîte le soir pour vous détendre, vous n’êtes certainement pas de type IxxJ. Le chaos ne le détend pas, c’est sa principale source de stress ! Cela ne veut pas dire qu’un INTJ n’a jamais envie de se joindre à une situation chaotique, mais cela n’entre pas dans ses schèmas habituels, ce n’est pas l’énergie qu’il dégage au quotidien. Quand un IxxJ est source de chaos, on le relève : « Tiens, il se lâche complètement, c’est atypique de sa part ». En général, l’IxxJ est plutôt celui qui est irrité par l’excès de digressions et essaye de recentrer les échanges, tandis qu’on le traite de rabat-joie. (Notez que le fond de cet article, c’est « Arrêtez de répandre le chaos en faisant tout ce que vous voulez sans respecter les règles, bon sang ».)

L’INTJ est un NJ

Autrement dit, un utilisateur de Ni. Il se projette de façon stable vers l’avenir, le plus loin possible. Si les circonstances l’en empêchent, c’est une souffrance pour lui : il a besoin d’avoir un repère fixe dans le futur et d’organiser son existence autour de lui, de verrouiller son énergie sur ce point de convergence. (A tel point qu’il montre une grande réticence à aller explorer ailleurs une fois qu’il est lancé.) Les INTJ ont tendance à finir ce qu’ils commencent, car leur source de motivation est le tableau final qu’ils ont en tête dès le départ. Leur intérêt n’est pas d’essayer quelque chose, mais d’avoir un produit fini entre les mains. Tout l’inverse des types P, qui sont avant tout intéressés par le fait de vivre de nouvelles expériences ou tester de nouvelles idées. Les P ont un pic d’énergie positive au début de leurs projets, qui va progressivement diminuer et rendre le bouclage difficile. (Bien que la plupart soient capables de se forcer si les contraintes extérieures l’exigent.) Ils se sentiront éteints et auront besoin de virer vers un nouveau projet pour reprendre du poil de la bête. Les INTJ ont au contraire tendance à se focaliser sur un nombre limité de travaux et thématiques, qu’ils vont creuser très en profondeur. Ils ne trouvent pas l’innovation au-dehors, mais en cherchant à toucher l’essence de leur sujet.

L’INTJ est un TJ

– Grâce à leur Te auxiliaire, les INTJ ont des facilités pour mettre des mots sur leurs pensées (au moins par écrit) et sont soucieux d’être compris par les autres (au sens linguistique du terme). Ils vont par exemple annoncer le plan de leur exposé ou définir les mots qu’ils utilisent, afin d’éviter un malentendu sur leur sens. On comprend généralement où un INTJ veut en venir quand il s’exprime. Ils n’ont pas de problème notable avec le fait de simplifier leur propos pour se rendre accessibles, quitte à transmettre un message de manière un peu grossière. (L’efficacité prime chez eux sur la précision, contrairement aux types xxTP.) Ils savent presque toujours se justifier par des arguments logiques : d’ailleurs, ils se justifient souvent sans qu’on ne leur demande rien. De la même façon qu’un FJ a besoin d’extérioriser ses ressentis, un TJ expose naturellement ses processus de pensée, « ça sort tout seul ». Il arrive que le verbe d’un INTJ ne suffise pas à traduire son ressenti ou ses images mentales avec toute la subtilité qu’il voudrait. Cela ne constitue cependant pas une grande gêne, puisque le besoin d’expression identitaire est assez faible. Les autres se plaignent régulièrement de vos propos incompréhensibles, mal formulés ou mal ficelés ? Vous n’avez pas envie de modifier votre manière de parler, considérant que c’est à eux de fournir tous les efforts afin de s’adapter à vous ? Ou bien, vous n’y arrivez pas malgré vos tentatives ? Vous n’aimez pas justifier vos raisons par des arguments (ça vous fatigue, votre ressenti se suffit à lui-même…) ? Il y a très peu de chance que vous soyez INTJ. En revanche, un type IxxP est fort probable, puisque ces derniers se caractérisent par un sentiment fort d’identité empiétant sur leur faculté d’adaptation aux attentes sociales.

– Les INTJ ont des difficultés à se connecter à leurs émotions. Ils ont besoin de temps pour savoir ce qui compte vraiment à leurs yeux. Ceci fait, ils n’y accordent pas d’importance manifeste la plupart du temps, ou les intellectualisent au point d’en paraître détachés. Par exemple, ils n’ont pas de mal à travailler efficacement sur un projet qui ne les captive pas, car les nécessités pragmatiques (gagner de l’argent, garder sa place dans l’entreprise, etc.) sont prises en compte avant leur bien-être. Ils se font violence facilement, souvent au détriment de leur bien-être. Les INTJ à partir de 25-30 ans deviennent plus équilibrés (ils peuvent s’engager dans des causes ou tout plaquer pour suivre leur passion, par exemple), mais priorisent toujours les faits par rapport à leurs sentiments dans la majorité des situations. Vous vous arrêtez rapidement quand vous vous sentez fatigué ? Vous ne faites pas d’excès de zèle ? Vous préférez sans hésitation respecter vos limites qu’accomplir un travail utile mais nuisible à votre bien-être ? L’INTJ n’est sans doute pas une hypothèse pertinente. (Si vous avez tendance à vous surmener car les besoins des autres paraissent plus importants que les vôtres, et que vos décisions reposent davantage sur vos affects que sur la logique, l’INFJ est une bonne possibilité à étudier.)

L’INTJ est un NTJ

La hiérarchisation des idées paraît simple à l’INTJ, car son esprit est conçu pour classifier les informations d’une manière intuitive et efficace. En bref, il sait où il va, d’où il vient, et l’articulation entre les deux se met en place sans effort particulier. Il s’agit d’une des principales forces de ce type : d’une seconde nature, oserai-je dire. Vous ne savez pas par où commencer pour effectuer des recherches ou dresser un plan de dissertation ? Vous captez l’information de façon erratique, papillonnez d’une source à l’autre en récupérant des éléments sans méthode d’organisation préétablie ? Vous redéfinissez régulièrement vos objectifs et virez de bord au fil des trouvailles, ce qui a tendance à vous perdre ? Vous tergiversez 100 ans avant de prendre une décision et ne réalisez pas la plupart de vos idées, faute d’oser vous lancer ? Réfléchissez sérieusement à d’autres hypothèses que l’INTJ. (Et votre méthode de recherche est associée au fonctionnement P.)

Il me semble qu’on tient la base. Certes, le type de personnalité ne définit pas l’entièreté d’une personne. Certes, on trouve des variations d’un individu à l’autre au sein d’un même type. Certes, il est stupide de déterminer le type de quelqu’un en fonction de clichés réducteurs. Néanmoins, il existe des mots pour définir les choses. L’intérêt d’une structure commune, telle qu’une langue ou un modèle de personnalité, est d’utiliser le même vocabulaire pour désigner les mêmes objets. Ainsi, il devient possible de communiquer ensemble, sans perdre 1 000 ans à définir un code d’échange personnel avec chaque nouvel interlocuteur. Merveilleux, n’est-ce pas ? (Moi j’adore le concept.) Le système fonctionne si ses membres jouent le jeu. Se faisant, quand on emprunte un mot en vue d’en faire un usage inapproprié (par exemple, si l’on nomme « soucoupe volante » une table basse), on s’expose au risque d’entendre « Ton jugement vis-à-vis de cet objet est incorrect » ou « Tu devrais relire le catalogue Ikea, la RTGHEKL est une table basse et non une soucoupe volante, mon cher ». Chacun a la possibilité de renommer les tables basses « soucoupes volantes », s’il trouve que leur forme aplatie suffit à en faire des ovni et/ou souhaite vivre dans un univers linguistique parallèle. Il faudra en revanche assumer que les gens ne respectent pas sa nomination, pas plus qu’il ne respecte la leur.

Si ce texte vous a perturbé dans vos certitudes INTJiques, soyez honnêtes avec vous-mêmes. Relisez la documentation sur les fonctions et demandez-vous, en face : « Est-ce que je suis comme ça ? Vraiment ? Concrètement, naturellement, la majorité du temps ? ». Soyez attentifs à l’opinion que votre entourage a de vous : il voit sans doute des aspects de votre personnalité si éloquents que vous-mêmes ne les percevez plus. Si vous ne présentez pas les traits fondamentaux de l’INTJ, ça ne veut pas dire que vous êtes « un INTJ spécial qui passe 99 % de son temps dans une boucle Ni-Fi, à cause d’un traumatisme à l’âge de 7 ans qui lui a fait développer des traits de Ne-dom ascendant Verseau, mais si les astres s’alignaient autrement vous ressembleriez à un INTJ traditionnel, pour sûr (arrêtez de croire que les INTJ fonctionnent forcément comme des INTJ !) » : ça veut juste dire que vous n’êtes pas INTJ. Votre typage est incorrect et il faut chercher ailleurs. Ce n’est pas agréable, je sais (pour l’avoir expérimenté), mais vous allez vous en sortir, ne vous inquiétez pas. Faites ce travail aussi bien pour les NTJ que pour vous. On en ressortira tous plus épanouis.

En vous remerciant de votre attention.

Une reloue d’INTJ

Réflexions sur les fonctions cognitives

Les types TJ, ou vivre avec une conscience de soi défectueuse

L’année de mon bac, j’ai décidé de devenir éditrice. Je pensais que ce métier était fait pour moi. Que je l’aimais. Cinq ans plus tard, je suis sortie de l’université avec un Master mention Bien et un CV généreusement garni. J’avais eu la chance de travailler avec une pointure scientifique au cours de mes stages, qui m’avait inspiré mon sujet de mémoire de dernière année. Si au détour d’une excursion au Muséum National d’Histoire Naturelle vous croisez un grand poster de l’arbre phylogénétique, sachez que j’en ai conçu et dessiné les plans : c’est mon bébé ! Mon diplôme en poche et mes multiples expériences professionnelles derrière moi, je me sentais prête à exercer ma profession.

A cette même date, la quasi-totalité de mes connaissances FP s’étaient réorientées au moins une fois. Certaines n’avaient aucun diplôme post-bac, car elles avaient passé leur temps à changer de filière ou à redoubler des classes inadaptées à leurs aspirations. Les FP m’ont souvent idéalisée. « C’est facile de faire ça avec ton Te ! », « Les TJ sont vraiment super équipés dans la vie ! », « Mon Fi-dom ne sert à rien… Tu me l’échanges contre ton Te ? », m’ont-ils déclaré à de nombreuses reprises, en constatant leur difficulté à bâtir et exécuter un plan comparé à moi… On dit qu’on réalise la valeur de quelque chose seulement une fois qu’elle nous manque. En l’occurrence, les hauts utilisateurs de Fi disposent de capacités qui me font défaut. Finalement, eux et moi arrivons le plus souvent au même point, en se cognant juste à des endroits différents.

Les TJ donnent l’impression de savoir exactement ce qu’ils veulent et de toujours se donner les moyens de l’atteindre, quels que soient les obstacles à franchir. A tel point que l’on tend à taxer automatiquement de TJ les personnalités remarquables par leur longue liste d’accomplissements ou leur élévation sociale fulgurante. (Quand bien même les TJ ne détiennent pas le monopole dans ce domaine – même s’ils y sont sans doute surreprésentés.) Aujourd’hui, je vous propose une autre lecture du fonctionnement TJ. Et si vous disais qu’en réalité, les TJ ne savent pas ce qu’ils veulent ? Qu’ils déploient leur énergie à accomplir une to do list à l’échelle de leur vie avant d’en évaluer véritablement la pertinence… et qu’ils en payent tôt ou tard le prix ?

On a pu accomplir tout ce qu’on a accompli, parce qu’on ne réalisait pas combien ça faisait mal avant de tomber d’épuisement. Le voilà, votre fantasme du self-made man.

Je suis une femme INTJ âgée d’environ un quart de siècle. C’est la période durant laquelle la plupart des INTJ et ISTJ conscientisent mieux leurs sentiments et leur identité. Chez nous, la fonction « sentiment introverti » (Fi), permettant de se connecter à nos valeurs intimes, est en troisième place dans notre pile de fonctions cognitives. Je la surnomme « la place vicieuse », puisqu’elle représente une part de nous-mêmes qui est trop importante pour être totalement ignorée, mais en même temps, trop faible pour nous paraître familière. En clair, on se surprend à y prêter attention, mais on la comprend mal et on ne sait pas vraiment quoi faire avec. En schématisant, cela donne quelque chose comme ça :

Je m’appuie sur un système de valeurs simple, car je perds vite patience à le questionner et le réorganiser. « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse », « Respecte l’environnement autant que possible », « Rembourse tes dettes », etc. Les notions de Bien et de Mal me paraissent étrangères, puisqu’il est impossible de les mesurer de manière précise, avec un système stable et universel. Il n’existe pas de « valeuromètre », qu’on apposerait sur les idéaux et les actes afin de mesurer si leur taux de pureté morale se situe plutôt à 1 ou à 8… De ce fait, les valeurs ne peuvent être pour moi que des ressentis personnels. Quand une majorité de gens tombe d’accord sur une valeur particulière (par exemple, le fait que tuer son prochain est mal), on érige une loi afin de la cristalliser et permettre de mieux vivre ensemble. Néanmoins, cette définition du Bien du Mal n’est valable qu’au sein d’une société désignée et non dans l’absolu. Dans le cas présent, un autre groupe social pourra pratiquer le cannibalisme ou le sacrifice humain sans y voir de problème.

Les TJ peinent à « sentir » leur propre conscience sans passer par un repère extérieur. Ils décident de ce qui est bon ou mauvais, important ou futile, en se basant sur les conseils qu’on leur donne ou les conséquences de leurs décisions observables dans le monde concret. Jeter ses déchets n’importe où pollue objectivement l’environnement et participe à entretenir la crise climatique : les conséquences de la crise climatique ne sont pas enviables. Ne pas rembourser ses dettes expose l’individu à divers ennuis. Etc. Les TJ peuvent ainsi se montrer très vertueux à travers leurs actes, tout en n’ayant pas l’air spécialement préoccupés par la cause soutenue sur le plan émotionnel. Leur manière de prendre soin des autres ne ressemble donc pas à ce qu’on attendrait habituellement… Si vous partez en randonnée avec un TJ dans votre groupe d’amis, il serait capable de vous soumettre au sol avec une clé de bras jusqu’à ce que vous acceptiez de porter un chapeau, car il s’inquiète d’une éventuelle insolation.

Mes camarades m’ont souvent surnommée « le génie du mal », car je n’hésite pas à employer des techniques peu orthodoxes pour aider les gens ou faire avancer les causes que j’estime justes. Pourtant, je ne crois pas avoir déjà fait volontairement du mal à quelqu’un, hormis dans un cadre de légitime défense… On m’a même souvent dit « Tu es vraiment gentille dans le fond, en fait ! ». De fait, quand j’ai des poussées de Fi, je deviens extrêmement exigeante envers moi-même sur le plan moral. Je me juge monstrueuse d’être si autocentrée, incapable de me projeter dans le vécu des gens autrement qu’à travers le miroir de mes propres expériences… Néanmoins, je n’ai aucune idée de comment m’y prendre différemment. Vivre des émotions intenses n’induit pas que je sache les explorer avec finesse et y trouver du sens, comme le font les types FP.

Cette sensation de cécité affective ne se manifeste pas seulement sur le plan idéologique. Elle est présente au quotidien, pour le moindre petit choix ! Durant le confinement, j’étais totalement paniquée, parce que la perte de mes repères spatio-temporels habituels m’empêchait de savoir ce que j’étais censée faire. Pourquoi réaliser une séance de muscu aurait plus de sens à 10h qu’à 14h ? Quand il faut se décider entre plusieurs options concernant un loisir ou un produit (quelle pizza manger en premier, quel film aller voir au cinéma…), je demande l’avis de mon compagnon, lui aussi INTJ. Dans la majorité des cas, ce dernier n’est pas en mesure de me répondre : à vrai dire, il comptait me poser la même question, espérant décharger la prise de décision sur moi. Finalement, on tranche par tirage au sort. Nous ne savons pas ce qui nous fait envie à l’instant T. Nous n’avons pas l’habitude de nous questionner sur cet aspect. Nous savons très bien vous dire quelle maison il est le plus viable d’acheter, quel forfait est le plus intéressant par rapport à votre consommation, dans quelle filière d’étude avez-vous le plus de chance de réussir et d’obtenir un travail par la suite… mais entre la glace à la fraise et la glace au chocolat, bof. Comment est-ton censé déterminer le meilleur choix ? Il n’y a pas d’arguments rationnels en faveurs de l’un ou l’autre. Il faudrait y aller… au feeling ?

C’est ainsi que les TJ accomplissent l’exploit d’avoir l’air sûrs d’eux alors qu’ils ne savent pratiquement rien d’eux. Ils ont certes quelques passions conscientes (comme la fameuse « faiblesse inavouée pour les trucs mignons qui les transforme instantanément en guimauve, à la grande surprise de ceux qui les croyaient insensibles ») et savent parfois donner l’illusion de capacités auto-analytiques très avancées… mais la connexion authentique avec soi n’y est pas. Ils pensent leurs émotions, planifient leurs sentiments, s’élancent sur un parcours tout tracé sans songer à s’arrêter par moments et se demander « Et là, est-ce que ça va ? »… Jusqu’au moment où ils réalisent qu’ils ont oublié quelque chose de primordial sur la ligne de départ, désormais loin derrière eux. Très loin s’il s’agit d’un ExTJ, car il a besoin de beaucoup plus de temps qu’un IxTJ afin de conscientiser Fi. (Jeunes adultes, les ExTJ sont déjà occupés à gérer l’équilibre de leur axe S/N.)

J’ai expliqué sur mon autre blog, l’Antre de la Chouette, que l’on m’avait diagnostiqué un trouble du spectre autistique à l’âge de 22 ans. Un handicap assez lourd, m’empêchant de tenir un emploi en milieu ordinaire. Je croyais aimer l’édition. En réalité, j’aime travailler avec les mots. Le cadre dans lequel se déroule habituellement cette profession, dans un bureau entouré de gens, ne me convient pas du tout. Il me fait mal. J’ai ressenti énormément de détresse au cours de mes expériences professionnelles. La douleur était telle que j’ai fini par être arrêtée pour épuisement professionnel et envoyée en centre psy. Des années se sont écoulées entre ce moment et la première fois où je me suis dit « Je ne me sens pas bien ». J’ai juste complètement ignoré les signaux d’alerte exprimés par mon cerveau et le reste de mon corps, car j’étais focalisée sur mon objectif. Je me disais que « c’était rien, ça allait passer ».

Edit : Je précise que pour mon corps, 35h par semaine dans un bureau, c’est du surmenage. Là est le souci du Te : j’avais construit ma vision professionnelle en me basant sur le temps de travail normal d’un individu lambda, sans parvenir à intégrer que « moi ma pomme c’est différent, j’ai un handicap » (la conscience de l’unicité étant le travail de Fi). Au lieu de ça je restais fixée sur mes repères externes (Te) : puisque les autres le faisaient, cela n’était pas bien compliqué et je n’avais qu’à arrêter de chouiner !

Ensuite, ce fut une lutte pour cesser de me surexploiter moi-même, en m’imposant des conditions néfastes et des objectifs inatteignables (alors qu’absolument rien ne m’y obligeait sur le plan matériel ! Je n’étais pas précaire et personne n’exigeait de me voir bosser !). Renoncer à mes plans, m’écouter d’avantage, m’offrir du repos, accepter de me faire entretenir par mon compagnon au lieu d’aller m’user la santé sur un job à plein temps : il a fallu consulter des praticiens et travailler sur moi pendant des mois, avant que je me sente relativement en paix avec ma situation. C’est étrange d’aller voir un psy en disant « J’ai la possibilité de profiter d’un cadre de vie sécurisant et épanouissant, mais je n’arrive pas à saisir l’occasion. Je ne peux pas m’empêcher de retourner chercher des postes qui me détruisent, me reposer est inconcevable. ». (Concrètement : je cherchais un travail normal, sans accepter que pour moi, la norme = épuisement intense et dangereux.) Beaucoup de gens rêveraient d’être à ma place et ne comprennent pas comment l’on peut avoir du mal à ne pas s’éreinter à l’ouvrage. On en rit entre TJ (parfois jaune). Mon parcours n’est pas terminé, j’ai juste retrouvé un équilibre à peu près sain. Je pense que j’ai encore besoin de quelques années d’introspection avant de m’autoriser à prendre véritablement soin de moi.

J’ai déjà entendu des gens affirmer « Je suis de type TJ, car je travaille beaucoup ». Attention à ne pas omettre la différence entre « être capable d’adopter un comportement associé à l’archétype TJ » et « avoir un fonctionnement de TJ » (sous-entendu, de manière naturelle, stable et durable). Les TJ ne se contentent pas de « travailler beaucoup »… ils travaillent beaucoup de façon compulsive et même quand ce n’est pas bon du tout pour eux. Dans ce trait réside aussi bien l’un de leurs meilleurs atouts qu’une immense faiblesse, de plus en plus en difficile à ignorer à mesure que les années passent… Ouais, je suis une teigneuse, certainement plus productive que vous (j’ai écrit cet article en une matinée et un autre beaucoup plus long hier en quelques heures, sans forcer), mais désormais, quand vous croiserez quelqu’un dans mon genre, au lieu de l’idéaliser, de l’envier, d’imaginer qu’il surplombe le monde, demandez-vous plutôt : quel prix a-t-il payé ? Quel poids trimballe-t-il, en ignorant peut-être encore ce qui pèse si lourd sur ses épaules ?