Analyses de personnages

Analyse de Sinon (INTJ 5w6)

Sinon, de son vrai nom Shino Asada, est l’un des personnages principaux de l’arc Phantom Bullet de Sword Art Online (première partie de la saison 2). Je ne suis pas spécialement fan de SAO, déplorant la qualité inégale de ses arcs, mais j’admets avoir beaucoup apprécié Phantom Bullet pour l’intelligence et l’originalité avec laquelle il traite ses thématiques. Il n’est pas nécessaire de visionner les arcs précédents pour profiter de celui-ci, tant qu’on est un peu renseigné sur le contexte de la série.

Shino Asada est une lycéenne au passé traumatique, menant une double-vie dans le jeu en réalité virtuelle Gun Gale Online. Elle est connue dans cet univers en tant que sniper redoutable, sous le pseudonyme de « Sinon ». Ce qui m’a positivement surprise avec Sinon, c’est le réalisme de son écriture. La plupart des INTJ fictifs sont fortement idéalisés : ils incarnent des archétypes de méchants machiavéliques, de stratèges de génie ou de sages charismatiques… Des figures qui ont pu exister à travers l’histoire, mais ne sont pas représentatives des INTJ ordinaires. Shino Asada, elle, pourrait très bien être une jeune femme INTJ de la vraie vie. Pour l’anecdote, on m’a même déjà dit qu’elle me ressemblait beaucoup.

Note : « Sinon » se prononce « Shi-nonne ». Le phonème « si » n’existant pas dans la langue japonaise, on le prononce « shi ». A ne pas confondre avec « chi », qui se prononce « tchi ».

Attention : cette analyse contient des mentions au syndrome de stress post-traumatique lié aux armes à feu (sur l’ensemble de l’article) et aux agressions sexuelles (à partir de la partie ennéagramme). S’abstenir si vous ne supportez pas d’entendre parler de ces sujets.

Sinon dans la vraie vie VS Sinon dans le jeu Gun Gale Online

Fonction dominante : Intuition introvertie (Ni)

Sinon poursuit un objectif stable dans le futur : surmonter son traumatisme et devenir une meilleure version d’elle-même, plus forte, plus courageuse… A travers son expérience sur Gun Gale Online, elle a acquis des compétences de haut niveau ainsi qu’une certaine assurance, qu’elle cherche à transférer dans son « Moi » réel. En somme, Sinon vit pour transformer la vision abstraite qui l’habite 24h/24 en  manifestation concrète. Toute sa personnalité est organisée autour de cet axe, pouvant être interprété comme une relation Ni-Se. (Mais également comme une problématique d’ennéatype 5. Nous le verrons plus tard.) Sinon est si absorbée par son objectif qu’elle délaisse sans regrets d’autres aspects de son existence. Elle semble indifférente aux préoccupations ordinaires des jeunes filles de son âge (sortir avec un garçon, s’amuser entre copines ou même décorer sa maison…), préférant passer son temps libre à se perfectionner sur GGO. Elle considère d’ailleurs son jeu comme un outil d’auto-réalisation et point du tout comme une distraction.

L’intuition de Sinon est bien développée. Elle « sent » la plupart du temps les intentions de ses interlocuteurs et anticipe des dangers cachés que les autres n’avaient pas soupçonnés. Par exemple, elle se doute en observant Behemoth au loin dans l’épisode 2 qu’il cache probablement une arme sous son manteau, contrairement à ses coéquipiers qui le jugent inoffensif. Durant le tournoi « Bullet of Bullets », elle montre une très bonne capacité à anticiper les mouvements de ses adversaires. Enfin, Sinon accorde une grande valeur aux symboles, qui semblent avoir de puissants effets sur elle : ces derniers peuvent l’aider à se soigner tout comme la plonger dans l’angoisse. Elle est par exemple très sensible au fait que le pistolet utilisé par Death Gun soit le même modèle que celui-ci avec lequel elle a tué le braqueur étant enfant.

Fonction auxiliaire : Pensée extravertie (Te)

Sinon prend ses décisions en considérant les paramètres logiques en priorité. Quand elle fait visiter le magasin d’armement à Kirito dans l’épisode 4, elle adapte sans problème ses propositions à son budget et lui suggère les choix les plus rationnels. (Par exemple, elle souligne le désavantage d’une arme de corps-à-corps face à certaines armes à feu, malgré l’agilité exceptionnelle de Kirito.) Elle déconseille à Kirito d’essayer le jeu « Untouchable » qui attire son attention, car d’après elle, les probabilités de remporter le jackpot sont trop faibles pour que cela vaille le coup.

D’une manière générale, Sinon évite de se laisser emporter par ses émotions. Bien que très anxieuse, elle sait se reprendre dans presque toutes les situations et n’est pas du genre à faire une erreur sur un coup de tête. Elle cherche d’ailleurs à neutraliser les réactions impulsives de son corps suite à son traumatisme, considérées comme une entrave au bon déroulement de ses plans. Sa vision d’elle-même est fonctionnelle : par exemple, en constatant qu’elle ne supporte pas de voir un pistolet, ou même un geste de main imitant un pistolet, elle met en place un « programme » d’auto-guérison afin de reprendre le contrôle complet d’elle-même. (En s’habituant aux armes à la feu dans la réalité virtuelle, où son traumatisme ne s’active pas, elle espère finir par transposer la force développée là-bas dans son « Moi  » réel.) Elle applique avec rigueur les protocoles qu’elle s’est créé.

Sinon semble avoir des facilités à s’exprimer. Elle expose les informations de façon claire, en s’assurant d’être bien comprise par son interlocuteur, et n’hésite pas à révéler le fond de sa pensée en cas de besoin. Elle ne cherche pas à contrôler autrui, mais sait faire preuve d’autorité si nécessaire. Les situations de stress (hormis si elles concernent son traumatisme) n’atteignent pas ses capacités de planification et d’application : elle suit sans problème le déroulement de ses pensées, jusqu’à atteindre le but visé. On retrouve chez elle le côté teigneux des types TJ, qui continuent de se battre avec férocité malgré une jambe en moins. Elle est par exemple la seule membre du groupe à ne pas perdre ses moyens pendant l’assaut contre Behemoth, en étant focalisée sur l’objectif et détachée de ses états d’âme.

Fonction tertiaire : Sentiment introverti (Fi)

Merci Seigneur d’avoir créé Sinon, pour que le monde découvre que les INTJ possèdent des sentiments… Le personnage de Sinon étant construit autour d’un syndrome de stress post-traumatique (SSPT), on a l’occasion de la voir éprouver des émotions intenses et se livrer à de véritables moments d’introspection. Ceci permet d’observer le contraste entre ce que l’INTJ renvoie socialement et la façon dont l’INTJ se perçoit lui-même, une fois qu’il est seul avec sa vulnérabilité. Sinon est assez consciente de ses émotions, bien qu’elle les appréhende sous un angle intellectuel et pratique. Elle est attentive à la façon dont sa phobie évolue et met en place des stratégies pour apaiser ses angoisses. Par exemple, elle prend parfois dans ses mains un pistolet caché dans un tiroir de sa chambre, afin de vérifier si ce contact déclenche toujours une attaque de panique chez elle. Il est sans conteste important pour Sinon d’améliorer son bien-être psychique, bien qu’elle n’hésite pas à se faire violence pour y parvenir.

Sinon se regardant dans le miroir après une crise d’angoisse pour évaluer son état…

Comme tous les utilisateurs de Fi, Sinon fait montre d’une empathie sélective et se sent facilement heurtée si l’on s’en prend à l’une de ses valeurs fondamentales. Quand elle rencontre Kirito pour la première fois et le prend pour une fille, elle se sent aussitôt complice avec lui et fait tout pour l’aider (les joueurs féminins étant très rares dans Gun Gale Online, et souvent victimes de harcèlement). En découvrant la vérité, elle se fâche contre Kirito et le boude un moment, vexée qu’il n’ait pas été sincère avec elle dès le début. Elle se met également en colère lorsqu’elle ne se sent pas prise au sérieux dans son combat par l’épéiste, car il retient ses coups alors qu’elle est embrasée de l’intérieur. (Il est rare pour un utilisateur de Fi, d’autant plus introverti, de manifester explicitement ses sentiments. Il les considère comme une part intime de lui, n’ayant pas à être exhibée dans n’importe quelles circonstances. Ainsi, dans les rares moments où il se laisse aller, être indifférent à cette « faveur » aura des chances d’être interprété comme un profond manque de respect. Voilà pourquoi Sinon réagit ni négativement devant l’attitude flegmatique de Kirito, alors qu’elle expose sa blessure et place une forte charge symbolique dans leur duel : Ni et Fi sont tous les deux insultés.) Sinon renoue finalement avec Kirito en découvrant leur problématique commune : elle décide de s’allier à lui afin qu’ils apprennent ensemble à dominer leurs démons.

Sinon accepte facilement le caractère unique de chaque individu. Lorsqu’elle présente la boutique de matériel à Kirito dans GGO, elle mentionne plusieurs fois l’importance des préférences personnelles dans le choix de l’arme. Bien qu’elle lui ait déconseillé d’acheter une épée laser au lieu d’un fusil classique (pour des raisons justifiées par Te), elle n’est pas choquée devant son choix saugrenu. Après tout, ce sont « les goûts et les couleurs »… Elle tient le même genre de discours en saisissant le pistolet avec lequel la menace sa harceleuse dans l’épisode 14 : « Un Governement 1911 ? Hm, ton frère a de bons goûts, même si ce n’est pas mon style. » Sinon tient beaucoup à son arme favorite, le PGM Ultima Ratio Hecate II, qu’elle considère comme une part d’elle-même. L’attitude de Sinon ne varie pas en fonction du contexte : elle reste naturellement authentique, et semble chercher une certaine constance dans son expression identitaire. (Ses avatars virtuels ont toujours le même style de combat ou le même rôle stratégique.)

Fonction inférieure : Sensation extravertie (Se)

Sinon entretient une relation ambiguë avec son environnement physique. Tantôt elle le perçoit comme menaçant et se tient le plus à distance possible des potentiels dangers, tantôt elle s’investit pleinement dedans. Elle préfère généralement observer les choses de loin sans intervenir, dégageant alors très peu de présence. Le choix du sniper plutôt qu’une arme à plus courte portée n’est certainement pas anodin. Le caractère imprévisible du monde extérieur effraie beaucoup Sinon, et elle se paralyse lorsqu’elle constate qu’elle n’a pas pu anticiper toutes les issues d’une situation. Elle compense son manque de spontanéité par l’anticipation : par exemple, les lunettes qu’elle porte IRL ne servent pas à corriger sa vue, mais à se protéger des balles (celles-ci étant faites dans un verre particulier).

Cependant, dans certains contextes, Sinon est aussi capable de laisser tout à coup exploser Se pour gérer une situation d’urgence. Elle devient une boule d’énergie pure, qui enchaîne les mouvements en suivant simplement son instinct. Cette capacité à embrayer subitement sur de l’action brute est typique des utilisateurs de Se. Quand la situation est maîtrisée, Sinon semble même prendre un véritable plaisir à évoluer au cœur de l’action. Juste avant de tirer la balle qui tuera Behemoth, elle lance « The End » tandis que ses pupilles se rétractent, donnant l’impression de voir un prédateur satisfait d’achever enfin sa proie.

Lorsque Sinon est forcée de quitter son perchoir, elle s’active sans retenue pour mettre toutes les chances de son côté.

Comme beaucoup de Se-inf, Sinon fantasme sur une version alternative d’elle-même interagissant aisément avec le monde physique. En incarnant un sniper ultra-compétent dans Gun Gale Online, elle se rassure dans la réalité sur sa capacité à affronter les éléments concrets. (Le risque d’être de nouveau confrontée à des armes à feu, le harcèlement par ses camarades de classe exploitant son traumatisme…) Le fait de savoir que son double virtuel existe quelque part en elle, et pourrait s’incarner IRL à force de travail sur soi, lui maintient la tête hors de l’eau.

Sinon sur l’ennéagramme

Sinon est un cas complexe sur l’ennéagramme. Ses crises d’angoisse et son obsession pour la sécurité font que de nombreux internautes la voient en base 6. A titre personnel, j’observe chez Sinon des comportements « clichés » de 6 (dus à son syndrome de stress post-traumatique et à son anxiété généralisée), mais des schémas et motivations évoquant bien plus la base 5. Plus précisément, on est d’après moi sur du 5 alpha de variante conservation, avec une forte aile 6.

Comme ont tendance à le faire les 5, Sinon entretient une passion morbide pour le thème qui l’a blessé : les armes à feu. Pendant tout l’arc, elle cherche à atteindre sa flèche 8 par ce biais, ce qu’elle nomme « devenir plus forte ». Elle est persuadée qu’en devenant forte dans Gun Gale Online, elle finira également par devenir forte dans la réalité. En bonne 5, les différents aspects de sa vie sont divisés en compartiments hermétiques : là où un simple doigt tendu la terrorise IRL, elle est totalement libérée de sa phobie dans l’univers de GGO. Cependant, Sinon réalise progressivement que le jeu-vidéo ne lui fait pas affronter son traumatisme : au contraire, elle n’a toujours fait que le fuir. En maintenant une dualité entre la Sinon virtuelle et la Sinon réelle, et en considérant toujours que la Sinon virtuelle n’est pas encore assez forte pour s’incarner dans la Sinon réelle, la jeune femme ne parvient jamais à guérir. Elle est bloquée dans sa compulsion, sa peur de ne pas être suffisamment prête pour affronter le monde extérieur.

Avec l’arrivée de Death Gun et la possibilité d’être vraiment tué par les balles, le compartiment protecteur dans l’esprit de Sinon cède. Son syndrome de stress post-traumatisme déborde sur GGO et elle se retrouve de nouveau incapable d’agir, terrassée par sa peur… Une peur encore plus forte qu’auparavant, puisque Sinon réalise qu’elle n’a définitivement nulle part où se cacher pour fuir ses propres émotions. Pour gérer cette situation, elle sera obligée d’accepter son passé, ainsi que l’aide de Kirito (c’est-à-dire, reconnaître l’existence d’une ressource extérieure à elle-même, ce qu’elle n’a jamais considéré auparavant).

Sinon est une personne très privée, détestant se faire remarquer ou qu’on envahisse son espace vital. Dans l’épisode 14, Sinon est embarrassée que Kirito l’attende devant son lycée. Elle n’apprécie pas du tout que des filles s’attroupent autour de la moto du jeune homme et demandent à Sinon s’il s’agit de son petit ami. En guise de salut, elle lui lance « Tu aurais pu te mettre à un endroit moins voyant ! ». Plus tard dans l’épisode, Sinon fait la moue quand Kirito lui demande si elle est disponible pour la soirée : de toute évidence, elle n’apprécie pas qu’on grignote encore de son temps libre, qui plus est sans l’avoir prévenue avant… (Une manifestation classique d’avarice du 5 : ce temps passé dehors, c’est du temps en moins à passer seul !) Elle est désemparée quand Kirito lui annonce avoir raconté son histoire à Asuna et Lisbeth, et que ces dernières ont enquêté dans sa ville d’origine. Face à cette intrusion, le premier réflexe de Sinon est de se lever pour quitter la salle, ne pouvant supporter d’être ainsi mise à nu.

Meilleur moyen de mettre un 5 dans l’embarras : exposer sa vie intime devant tout le monde…

La fixation de détachement de Sinon est nettement visible dans l’anime. Les autres personnages font plusieurs fois allusion au fait qu’elle en livre peu sur elle-même. Dans l’épisode 7, Shinkawa est surpris en voyant Sinon pester contre Kirito devant lui : bien qu’il la connaisse depuis des années, il ne l’avait jamais vu exprimer sa colère ainsi. Il ajoute que c’est la première fois qu’il la voit porter autant attention à quelqu’un d’autre, elle qui est d’ordinaire si autocentrée et détachée de tout. De fait, Sinon repousse les avances de Shinkawa en prétextant ne pas avoir de temps pour ce genre de sentiment, alors qu’elle a son problème de SSPT à résoudre. On observe que plus Shinwaka est entreprenant, plus Sinon le repousse et se ferme émotionnellement à lui : on reconnait-là la crainte du 5 d’être « pillé » et entraîné dans une situation qu’il ne pourra pas fuir sur commande. Le détachement par anticipation est généralement la solution choisie par le 5 afin d’éviter toute implication qu’il regretterait.

La fuite face à la peur de l’engagement est également présente chez le 6, mais se traduit par un mécanisme différent : contrairement au 5 dont l’énergie est constamment dans le retrait, le 6 oscille toute sa vie entre deux mouvements contradictoires, « Je dois fuir, n’avoir confiance qu’en moi-même, me débrouiller tout seul » et « Je ne peux pas m’en sortir tout seul, j’ai besoin de consulter les autres, il me faut un cadre protecteur ». Avant les événements de Phantom Bullet, Sinon n’a jamais éprouvé le besoin de s’appuyer sur une entité extérieure pour prendre ses décisions. On le remarque notamment lors du dialogue intérieur avec son avatar, dans la scène de l’épisode 13 où Shinkawa tente de la violer. Alors que Sinon est dans un état de sidération, à souhaiter ne plus rien voir ni ressentir, elle pense au fait que Kirito sera sûrement tué par Shinkawa en arrivant sur place. Le double virtuel de Sinon apparaît près d’elle et murmure : « Jusqu’à maintenant, on ne s’est toujours préocuppées que de nous. On ne s’est toujours battus que pour nous-mêmes. Mais, même si c’est peut-être trop tard, même si c’est la fin, alors, juste une fois, battons-nous pour quelqu’un d’autre. » . Sinon accepte d’écouter et de suivre son double : enfin, les deux facettes de la jeune femme se réunissent. Au lieu de se dire qu’elle est trop vide pour intervenir, Sinon décide de déployer sa force pour protéger ceux qu’elle aime. Touchant enfin sa flèche 8, elle ouvre les yeux et parvient à se débattre contre son agresseur. Cet événement lui fait franchir une étape décisive dans son processus de guérison.

La Sinon de droite symbolise les ressources dont Sinon croit manquer pour pouvoir s’impliquer dans le monde. Dans cette scène, Sinon commence à voir sa richesse intérieure et à croire en ses capacités de survie, en se remémorrant ce qu’elle a traversé avec Kirito.

En rencontrant Kirito, Sinon découvre la possibilité d’intégrer « autrui » dans les ressources disponibles pour avancer. C’est principalement à son contact qu’elle exprime son aile 6, en expérimentant le fait de s’appuyer sur quelqu’un. Bien que Sinon prenne mal les trahisons (comme le mensonge de Kirito sur son genre), elle ne semble pas concernée par un manque de confiance intrinsèque en son prochain. Elle est plus dans l’indifférence que dans la méfiance vis-à-vis des gens – hormis dans le contexte du jeu, bien entendu, étant donné que n’importe qui peut lui tirer dessus à tout moment.

Lorsqu’elle est à l’aise, Sinon se met à partager ses connaissances spontanément. En rencontrant Kirito pour la première fois dans GGO (l’univers où évolue la version la plus saine d’elle-même), elle prend le temps de lui présenter les bases du jeu, de le conseiller dans le choix de son équipement et de lui apprendre à tirer… Au point d’en oublier l’heure et d’être à deux doigts de manquer les inscriptions pour son tournoi, alors qu’il est si important pour elle ! Plus tard, malgré les tensions entre elle et le jeune homme, elle continue de lui fournir des informations pour l’aider (en couvrant son ego avec des prétextes bidons). Chez les 5 épanouis, le détachement se transforme en sentiment diffus de bienveillance envers l’humanité. De façon paradoxale et étonnante, les 5 intégrés ne peuvent parfois pas s’empêcher d’essayer d’instruire quelqu’un, en faisant fi de leur jugement personnel et sans rien attendre en retour. Ils perçoivent le savoir comme une ressource appartenant à tous, et font en sorte de laisser le flux circuler au lieu de le bloquer ou le détourner pour leur propre usage. C’est le genre de motivation que je perçois chez Sinon dans les moments où elle semble au meilleur d’elle-même.

Parenthèse finale

Je publie cette analyse de Sinon un 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. L’arc Phantom Bullet de SAO a fait le choix honorable de présenter un personnage féminin qui n’est pas défini par rapport à un homme (contrairement à la plupart des autres filles de la série). Mais surtout, il a tenté – volontairement ou non – de corriger de fausses représentations très répandues au sujet des agressions sexuelles. En effet, la grande majorité des viols sont commis par un agresseur connu de la victime, et ont lieu à son domicile ou dans celui d’un proche. De plus, il n’existe pas de profil type de violeur : Shinkawa était le meilleur ami de Sinon et n’avait jamais eu de comportement violent à son égard auparavant. L’anime montre aussi très bien le phénomène de sidération, qui paralyse la victime au moment de l’agression et l’empêche d’agir. Un automatisme trop peu pris en compte par le sens commun, donnant lieu à des réflexions irréalistes et dégradantes du type « La victime n’avait qu’à se défendre, sinon c’est qu’elle était d’accord, dans le fond ». Pour plus d’informations, voici un sondage Ipsos édifiant. N’oubliez pas de vous renseigner sur ce qu’il se passe autour de vous et de lutter, si vous le pouvez et comme vous le pouvez, contre les violences.

Analyses de personnages

Analyse de Nanachi (INTP 5)

Nanachi est l’un des protagonistes de Made in Abyss. Bien qu’apparaissant assez tardivement dans l’œuvre (aux 2/3 de la première saison de l’anime et dans le volume 3 du manga), le personnage est très loin d’être au second plan de l’intrigue. De nombreux fans de Made in Abyss considèrent d’ailleurs que l’arrivée de Nanachi a été décisive dans leur appréciation de la série : sa finesse d’écriture y est de toute évidence pour beaucoup (ainsi que son chara design craquant, OUI, il faut l’avouer.). Il s’agit pour ma part de l’un de mes personnages fictifs préférés. Si vous aimez l’aventure, la fantasy et l’horreur, je vous recommande fortement de lire ou visionner Made in Abyss avant de lire ce billet spoilant généreusement la saison 1 (soit les 3 premiers tomes du manga ou les 2 premiers films récapitulatifs), pour la grande qualité de sa narration et de ses dessins.

Attention : malgré son design enfantin, il est bon de préciser que Made in Abyss s’adresse à un public averti. Le manga est classé seinen et son adaptation animée interdite aux moins de 12 ans (15 ans dans certains pays), en raison de certaines scènes très violentes.

Note : dans la version originale de l’œuvre, le genre de Nanachi n’a jamais été spécifié. Le personnage emploie le pronom désuet « Oira » pour se désigner, qui a une connotation plutôt masculine, mais des éléments de sa biographie ainsi que sa voix dans l’anime font plutôt penser à un genre féminin. Lorsque la question fut posée à l’auteur, celui-ci a répondu « Imaginez-le ! ». S’il existe des pronoms il/elle en japonais, ceux-ci sont peu employés, car l’on préfère désigner les gens par leur nom. Il est donc assez aisé d’entretenir une ambiguïté sur le genre d’un personnage. Dans la version anglophone, le pronom neutre « them » est utilisé pour se référer à Nanachi. Or dans les langues ne disposant pas de pronom neutre officiel, Nanachi est généralement désignée au féminin. J’utiliserai donc le pronom « elle » dans cet article. (Entre nous : je pense que Nanachi s’en fout.)

Fonction dominante : Pensée introvertie (Ti)

Nanachi est avant tout une personne cérébrale. Enfant, elle dévorait de nombreux livres qu’elle récupérait dans les poubelles, quitte à se faire rejeter par ses camarades pour ses intérêts décalés. Elle a appris seule l’abyssien, une langue ancienne, pour pouvoir déchiffrer plus d’ouvrages sur l’Abysse. Au fil du temps, elle a acquis de façon autodidacte une très vaste connaissance de ce lieu. Elle connaît par cœur ses écosystèmes, les poisons et leurs remèdes, les techniques de traque et de survie… Elle a même compris par elle-même comment la malédiction agissait sur les explorateurs et trouvé un moyen de l’éviter. Ceci laisse penser qu’elle passe beaucoup de temps à analyser le fonctionnement du monde et présente des facilités pour classifier les informations.

Nanachi n’est pas très à l’aise pour communiquer : de toute évidence, elle intègre les connaissances selon sa propre logique et ne sait pas forcément comment les rendre accessibles aux autres. C’est pourquoi, lorsqu’elle souhaite transmettre son savoir, elle privilégie l’utilisation de métaphores, de dessins ou d’expériences, inspirés notamment par sa fonction auxiliaire Ne.

Nanachi affiche la plupart du temps un visage impassible et s’exprime sur un ton monocorde, comme rien ne pouvait vraiment l’atteindre. Elle n’apprécie pas qu’on la touche (ni même qu’on observe sa douce fourrure avec envie) et met beaucoup de temps avant de s’ouvrir émotionnellement. Malgré son jeune âge, elle sait rester parfaitement calme et réfléchie dans les situations critiques. Dans l’épisode 10, lorsqu’elle découvre Reg en crise de panique devant le corps inconscient de Riko, elle analyse sans problème la situation puis lui explique ce qu’il doit faire, étape par étape. Elle détermine facilement la manière logique dont vont s’enchaîner les événements et adapte son comportement en fonction, sans céder à ses affects. Pour cette raison, elle devient rapidement un pilier pour le groupe.

Fonction auxiliaire : Intuition extravertie (Ne)

Nanachi a toujours eu une certaine ouverture d’esprit et un goût naturel pour l’exploration. Enfant, elle rêvait, plus que tous les autres enfants de Sérénie, de partir en quête des mystères de l’Abysse. Bien qu’elle n’ait jamais eu d’objectif particulier lié à l’Abysse (contrairement à Mitty, qui souhaitait devenir un sifflet blanc), le simple fait de plonger dans l’inconnu était une motivation suffisante pour suivre Bondrewd. Sa nature cartésienne ne l’empêche pas de s’intéresser aux croyances ésotériques autour de l’Abysse, et de prier Dieu dans ses moments les plus difficiles. « Dieu, si vous êtes au fond de cette Terre, faites que j’y aille aussi », murmure-t-elle en s’endormant près d’un livre sur l’Abysse dans son orphelinat… Elle semble aussi aimer les contes remplis de symbolique, comme ceux qu’elle lit à Mitty dans sa tanière du 4e niveau. Elle communique souvent de façon inventive, en utilisant des métaphores (par exemple, lorsqu’elle explique le fonctionnement de la malédiction de l’Abysse à Reg à l’aide d’un voile translucide) ou en réalisant des expériences audacieuses.

Nanachi n’hésite pas à réaliser des expériences un peu douteuses pour expliquer les phénomènes abyssaux

Perspicace, Nanachi perçoit facilement les messages cachés, ce qui lui permet de deviner les intentions des autres personnages. Dans l’épisode 11, elle comprend que Riko a demandé qu’on lui sectionne la main plutôt que l’avant-bras pour stopper le poison (alors que la seconde opération est plus facile et moins douloureuse), car elle comptait se relever de cette épreuve et continuer son aventure. Elle la qualifie de « remarquable » dans sa détermination. Elle valorise l’esprit aventurier et le fait de ne jamais abandonner ses rêves. Nanachi est aussi capable de « voir » le champ de force de l’Abysse ou de sentir que l’âme de Mitty est encore prisonnière de son corps maudit, sans pouvoir l’expliquer rationnellement.

Fonction tertiaire : Sensation introvertie (Si)

En raison de sa condition très pauvre, Nanachi a acquis très tôt l’habitude de ramasser tout ce qu’elle trouvait. Dans le flash-back l’épisode 13, elle avoue à Mitty que si ses camarades des rues chantent ou volent pour gagner de l’argent, elle, « elle ne sait que ramasser des choses ». C’est d’ailleurs en trouvant des livres dans les poubelles qu’elle est devenue si cultivée. Dans sa cabane au 4e niveau de l’Abysse, on peut voir s’entasser du matériel d’exploration et autres babioles récupérées deçà-delà sur son territoire (pioches, cordes, sifflets de caverniers…). Elle semble aimer accumuler des petits trésors en vrac, sans usage particulier. On découvre que Nanachi enterre les caverniers décédés chez elle dans un lieu calme et isolé, en prenant soin d’ajouter une pierre tombale : en sachant qu’elle pourrait tout aussi bien pousser leur dépouille dans le vide, on peut supposer qu’elle respecte à minima certaines traditions.

Nanachi dispose d’une certaine dextérité. Bien qu’elle déclare que « recoudre une plaie n’est pas son fort », elle est capable de réaliser des gestes chirurgicaux simples, ainsi que des dessins d’assez bonne qualité. Elle choque cependant régulièrement Reg par son manque de raffinement. Son approche du corps est très crue et fonctionnelle : elle déshabille Riko inconsciente sans aucune pudeur pour lui enfoncer un suppositoire ou nettoyer ses saignements génitaux. Elle opère également la blessure de la jeune fille en décrivant avec précision les étapes du processus, sous le regard écœuré de Reg. Nanachi est également une cuisinière médiocre, se contentant chaque fois de mélanger tous les ingrédients dans une grande marmite, sans tri ni dosage. (Reg pense, au sujet du ragoût de Nanachi, que « si Riko mange ça à son réveil, ça va l’achever ».)

Fonction inférieure : Sentiment extraverti (Fe)

Nanachi est à la fois très individualiste et pleine d’empathie. Elle blesse souvent les sentiments d’autrui par son attitude détachée et taquine. Exemple notable : dans l’épisode 11, elle fournit à Reg une liste complexe d’ingrédients afin de concocter un remède pour Riko, prétextant que cette dernière mourra s’il met plus de 12 heures à revenir. En réalité, seul un ingrédient de la liste était nécessaire pour sauver Riko, le reste servant juste au dîner. En voyant Reg choqué d’avoir été ainsi baladé alors que la vie de sa meilleure amie est en jeu, Nanachi se contente de trouver une excuse bidon, avant de souffler en aparté « c’est trop facile ». En réalité, Nanachi a surtout des difficultés à exprimer son attachement aux autres et se couvre derrière de l’humour ou des petits mensonges. A la fin de la saison 1, elle déclare au duo de héros qu’elle accepte de les rejoindre « uniquement parce que Mitty aimait bien Riko », alors que sa posture indique qu’elle meurt d’envie de venir avec eux.

Nanachi évite d’intervenir auprès des carverniers en détresse si cela ne l’aide pas à accomplir ses objectifs personnels. Toutefois, elle semble réellement se soucier de leur souffrance lorsqu’elle en recueille un dans sa tanière. Dans le flash-back de l’épisode 13, elle annonce à un blessé qu’elle ne peut soigner « Pardon d’avoir fait durer, je vais te soulager… » et l’achève d’une traite. Elle explique à Reg qu’elle ne comptait pas se montrer à lui et Riko, mais a eu finalement pitié de ses cris de désespoir (tout en se moquant de l’air minable qu’il avait à ce moment). Nanachi voue une loyauté sans failles à Mitty, sa première véritable amie, qu’elle surnomme « son trésor ». Elle déploie toute son énergie à trouver un moyen d’accomplir la dernière volonté de la narehate, à savoir, la tuer pour libérer son âme. Et ce, bien qu’il s’agisse d’une décision extrêmement dure pour Nanachi (et peut-être l’une des seules pensées provoquant des effusions émotionnelles chez elle).

Nanachi est dévastée en voyant que ses tentatives de tuer Mitty (devenue quasi-immortelle après sa transformation) lui infligent seulement une terrible souffrance

Nanachi sur l’ennéagramme

Nanachi est un superbe spécimen d’ennéatype 5. D’après moi, l’un des 5 fictifs les plus pertinents qu’un amateur de culture geek/otaku puisse croiser. Nanachi semble représenter la variante instinctuelle « conservation » de la base 5.

La base 5 de Nanachi se repère très rapidement lorsque le personnage apparaît dans la série, de par son style de communication : quand Nanachi ouvre la bouche, c’est la grande majorité du temps pour partager des informations à son interlocuteur. Elle sort de sa cachette dans l’épisode 10 pour expliquer à Reg comment stabiliser l’état de Riko. Par la suite, elle aura un rôle de mentor, en faisant découvrir à Reg puis à Riko les rudiments de la survie dans les niveaux profonds de l’Abysse. Sans l’intervention de Nanachi, le duo de héros n’aurait tout simplement jamais pu poursuivre sa quête. Dans le flash-back de l’épisode 13, elle se démarque de ses camarades par le fait qu’elle préfère apprendre – sur des sujets très abcons pour une personne de sa classe sociale – que s’amuser ou faire en sorte de manger de meilleurs repas. Mitty, émerveillée par le bagage intellectuel de Nanachi, lui demande de lui enseigner l’abyssien pour qu’elles puissent lire ensemble un ouvrage ancien. Nanachi s’exécute, étonnée (car elle a toujours cru que ses passions n’intéressaient personne) mais ravie de pouvoir enfin partager son savoir.

L’attitude d’ascète de Nanachi n’est pas due qu’à ses origines, puisqu’elle continue de cuisiner n’importe comment une fois dans l’Abysse malgré l’abondance de ressources à sa portée. (Et ce, alors qu’elle a eu le temps de se spécialiser dans tous les autres champs possibles à côté…) Elle avoue à Reg n’avoir jamais mangé de bonne nourriture dans sa vie et être ainsi incapable de juger la qualité du repas qu’elle lui sert. En goûtant la cuisine de Riko, elle semble découvrir le concept de plaisir gustatif, voire de plaisir tout court. Cet aspect du personnage illustre parfaitement le problème des 5 (en particulier ceux qui répriment le centre instinctif) avec l’absence des énergies du 7 et du 8 en eux, les empêchant de se laisser aller à des sentiments de joie spontanée ou de se connecter à leur corps. En n’étant plus que des esprits, ils évitent de se créer des besoins supplémentaires et rassurent leur ego, tandis qu’ils se persuadent inconsciemment de l’inutilité de tels plaisirs pour ne jamais ressentir de manque. Dans son état le plus naturel, Nanachi est une tête flottante à 1m50 du sol – avec une paire d’oreilles de lapin.

Nanachi dégustant pour la première fois autre chose qu’un mélange hasardeux de tripes de poissons et de plantes vaguement comestibles…

Bien qu’elle agisse souvent en professeur, Nanachi tient à garder le contrôle sur le flux d’information. Elle évite de répondre aux questions que lui pose frontalement Reg, en détournant le sujet ou en prétextant qu’elle a aussi « ses petits secrets ». Par exemple, la première fois que Reg lui demande son prénom, elle répond « Je suis une peluche tout douce venue vous consoler » et la seconde fois « Je veux bien te le dire… mais tu ne préfères pas qu’on s’occupe de ton amie, d’abord ? ». De même, quand elle annonce à Reg qu’elle va lui enseigner le fonctionnement de la malédiction, elle semble résignée, comme si elle avait dû faire un effort pour accepter de lui révéler ces mécanismes. Elle prend finalement un plaisir manifeste à lui exposer ses observations, puis à lui proposer des expériences pour saisir encore mieux le sujet.

Au début de l’épisode 11, la fin de l’épisode 10 est rejouée avec le point de vue de Nanachi. On voit qu’elle a observé toute l’attaque du Perce-Balle sans sortir de sa cachette, le souci de ne pas révéler sa présence étant plus important que celui de secourir deux enfants en danger de mort. Elle finit toutefois par intervenir et faire tout son possible pour soigner Riko, car elle s’identifie aux pleurs de Reg et ne souhaite plus voir la souffrance qu’elle a vécu avec Mitty se reproduire. En somme, le jeu entre l’avarice et le désintéressement rythme les interactions de Nanachi avec les autres. Tantôt détachée à un point presque cruel, tantôt profondément humaniste, elle s’épanouit le plus en offrant au monde le fruit de ce paradoxe intérieur.

Nanachi déteste qu’on s’approche trop près d’elle et le fait bien savoir à Reg… L’espace vital, c’est sacré !

Dans l’épisode 13, en découvrant le passé des deux narehate, on comprend que Nanachi a développé une connaissance aussi poussée des poisons et antidotes parce qu’elle passe son temps à essayer de trouver un moyen de tuer Mitty. Elle illustre la tendance des 5 à devenir obsédés par les problématiques sur lesquels ils butent, préférant construire un savoir démesuré autour de l’obstacle que le contourner. Après avoir écouté le récit de Nanachi, Reg parcourt des yeux les étagères autour de lui et constate que les fioles envahissent totalement la maison. Il saisit enfin à quel point le destin de Nanachi pèse lourd sur ses épaules. En la voyant raconter une histoire à Mitty dans la pièce adjacente, il se dit à lui-même « Elle avait l’air si confiante, et maintenant, elle parait tellement pitoyable… ».

Plus tard, il annonce à Nanachi qu’il accepte de tuer Mitty à l’aide de son incinérateur, à la seule condition qu’elle-même ne se suicide pas après cela. Nanachi hésite un moment, puis détourne le regard et murmure « Tu es cruel ». L’ermite que rien ne semblait atteindre se révèle en fait meurtrie par la vie, au point de vouloir se tuer une fois son dernier devoir accompli. Les personnes en base 5 se sentent en général très vulnérables : c’est justement la raison pour laquelle elles dissimulent leurs sentiments sous une forteresse de rationalité. Lorsqu’on devient proche d’un individu en 5, le contraste entre son détachement habituel et son intensité émotionnelle dans l’intimité peut être saisissant.

Je n’ai pas noté d’aile particulièrement marquée chez Nanachi. Elle est probablement encore trop jeune pour en avoir développé une. (Son âge exact est inconnu, mais elle semble avoir entre 12 et 15 ans.)

Conclusion

A travers son parcours, Nanachi incarne à elle seule les principales thématiques de Made in Abyss : la soif d’aventure, la perte de l’innocence enfantine, la résilience face au deuil, l’acceptation de l’équilibre du monde, dans ses composantes les plus exaltantes comme les plus sombres. Nanachi déclare : « J’incarne la possibilité de revenir du 6e niveau en gardant son humanité »… Je l’interprète personnellement comme un symbole puissant de résilience. Nanachi est descendue là où l’humanité dissimule ses plus noirs secrets et y a vu le pire. Son corps et son âme ont été marqués à jamais par ce qu’elle a subi, mais elle est restée forte. Elle est à la fois le personnage qui annonce les horreurs attendant les héros s’ils continuent leur périple, et le personnage qui les persuade de ne pas abandonner la quête malgré tout. Elle est à la fois la mentor confiante qui aide Riko à guérir et vivre désormais avec sa blessure, et l’enfant perdue qui a désespérément besoin d’une étreinte pour sécher ses larmes. Si elle est indispensable à Reg et Riko, Reg et Riko lui sont tout aussi indispensables… car elle découvre en les aidant combien le monde a besoin de sa richesse intérieure. En laissant partir Mitty, son trésor, tout en reconnaissant son propre droit d’exister au-delà de ses traumatismes, elle tourne une page de son existence : elle peut laisser l’espoir renaître des cendres de sa compagne et s’envoler vers une vie qu’elle a choisie. Et l’âme de Mitty peut maintenant cheminer librement à ses côtés, en lui transmettant sa joie de vivre et ses rêves flamboyants.

Je soupçonne l’auteure d’avoir volontairement brouillé le genre de Nanachi afin qu’un maximum de gens puissent s’y identifier : parce que Nanachi, finalement, c’est peut-être le guide dont nous avons tous besoin pour traverser les épreuves de la vie.

Analyses de personnages

Analyse de Twilight Sparkle (INTJ 6w5)

Twilight Sparkle est le personnage principal de la série My Little Pony : Friendship is magic. (Oui, je fais un billet analytique sur une princesse licorne, qu’est-ce que tu vas faire ?) J’ai pensé intéressant d’analyser sa personnalité, étant donné qu’elle est peu représentée dans la fiction. Twilight Sparkle est généralement typée INTJ ou ISTJ par le grand public. Le typage ISTJ ne me paraît pas impertinent, car elle agit parfois en Si-dom/Ne-inf, notamment dans les premières saisons. J’ai choisi de la lire aujourd’hui en tant qu’INTJ par rapport à son rôle global dans la série, qui est d’étudier puis enseigner des concepts, là où les poneys S de la bande s’illustrent sur le plan pratique (Applejack est agricultrice, Rarity est couturière, Fluttershy gère un refuge pour animaux, Rainbow Dash est athlète… ). Je spoilerai allègrement la série au passage, bien entendu.

Fonction dominante : Intuition introvertie (Ni)

La forte intuition de Twilight est visible dès le début de la série. Alors qu’elle lit un conte, elle se souvient en avoir déjà entendu parler quelque part et cherche obstinément à savoir où, car elle sent que cette information est d’une importance capitale. Elle est le seul poney à anticiper le retour de Nightmare Moon et cherche à alerter les autres, mais ils ne la prennent pas au sérieux car elle se base uniquement sur des symboles et des impressions, sans aucune preuve tangible.

Contrairement à ce que son style de vie routinier et casanier pourrait faire penser, Twilight n’est pas heureuse s’il n’y a pas de matière à explorer sous la surface. A la fin de la saison 4, elle confie aux autres princesses son désarroi de ne pas avoir de vrai but à suivre (autre qu’accomplir ses fonctions traditionnelles) : son titre, ses ailes et sa couronne n’ont aucun sens pour elle, elle a besoin qu’un projet de grande envergure brille à l’horizon et guide ses actions. En compilant ses leçons d’amitié, elle est plus intéressée par l’idée qui se dégage de l’expérience que par l’expérience elle-même. Lorsqu’elle décide de publier son journal (saison 7 épisode 14), elle est d’ailleurs désespérée de voir que les lecteurs se focalisent sur les anecdotes au lieu de saisir la signification profonde qu’elle essaye de leur transmettre. Dans la saison 8, elle décide de créer sa propre école afin d’enseigner sa vision.

C’est souvent dans les moments les plus difficiles que Twilight trouve les solutions aux problèmes : elle a besoin d’explorer jusqu’au fond un concept négatif afin de trouver son pendant positif et d’innover une troisième possibilité plus enrichissante. Dans le dernier épisode de la saison 3, elle obtient son titre de princesse de l’Amitié en corrigeant un sort de Starswirl grâce à un insight. Cette illumination lui est parvenue après qu’elle ait surmonté une situation catastrophique avec ses amies (après avoir récité une incantation inaboutie, elle a accidentellement échangé leurs marques de beauté et ainsi bouleversé leurs identités).

Beaucoup de gens attribuent une fonction Si dominante à Twilight à cause de sa passion pour l’histoire, ce qui induirait qu’elle est tournée vers le passé. Par comparaison à d’autres personnages, Twilight s’appuie peu sur ses souvenirs, s’intéresse peu aux conventions et à son environnement. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder Applejack (ESTJ), dont l’attachement à la tradition familiale s’exprime jusque dans sa manière de parler, ou bien Rarity (ESFJ), qui est très attentive aux normes mondaines et relève la moindre faute de goût.

Fonction auxiliaire : Pensée extravertie (Te)

Sans doute la fonction la plus évidente chez Twilight. Elle présente non seulement de grandes facilités à organiser les tâches et suivre leur bon déroulement, mais aussi un besoin viscéral de le faire. Membre la plus responsable de son groupe (avec Applejack, sans doute),  c’est presque toujours elle qui a le dernier mot sur la marche à suivre et dégotte les meilleurs plans d’action. Elle réalise des myriades de listes et fournit des notices détaillées à ses amis chaque fois que l’un d’eux se rend en mission. Elle ne recherche pas le commandement, mais l’assume naturellement en cas de besoin. Au fil de la série, elle apprend des sorts qui lui permettent de superviser les activités des autres ou de les emmener dans la direction qu’elle souhaite d’une manière encore plus efficace. (Exemples éloquents : dans la saison 7 épisode 10, Twilight s’incarne dans une petite danseuse sur une boîte à musique, afin de surveiller Starlight. Dans la saison 5 épisode 12, elle se matérialise dans les pages d’un livre pour attirer l’attention de Moondancer, celle-ci refusant de lui parler en face à face.) Twilight a aussi facilités pour s’exprimer de manière claire et structurée. Elle exprime spontanément ses opinions et on la voit présenter de nombreux exposés au cours de la série.

Twilight cherche toujours une explication rationnelle aux phénomènes qui l’entourent. Guère impressionnée par les rumeurs, les fantasmes ou les superstitions, elle construit ses opinions à travers ses expériences et observations. Dans la saison 1 épisode 9, elle est la seule à ne pas être effrayée par Zecora, considérant que les préjugés à son égard n’ont pas de fondements. Elle ne croit pas Pinkie Pie dans l’épisode 15 de cette même saison, lorsque la ponette rose lui affirme être capable de prédire l’avenir à travers les réactions de son corps. Twilight finit par accepter que la logique n’est pas toute puissante, mais demeure en recherche constante de compréhension du monde. On la voit par exemple réaliser des expériences sur Pinkie Pie. Globalement, elle s’extasie chaque fois qu’on lui présente un phénomène jamais rencontré auparavant, puis s’empresse d’aller l’étudier (dans les livres ou au milieu de ses instruments de labo).

Fonction tertiaire : Sentiment introverti (Fi)

Twilight est une ponette assez fidèle à elle-même : elle semble bien connaître ses propres valeurs et son attitude change peu en fonction du contexte. (Hormis lorsqu’elle se trouve face à ses mentors, où elle peut mentir ou surjouer par peur de perdre leur estime. Nous verrons que cette attitude s’explique par sa base ennéagramme.) Elle développe énormément sa fonction Fi au fil des épisodes, ce qui la met de plus en plus en contact avec ses émotions et celles des autres. Au début de la série, elle a tendance à négliger les sentiments de son interlocuteur lorsqu’elle explore ses idées, à être trop butée et pressée, ce qui l’a parfois amené à blesser d’autres poneys. Dans le premier épisode, elle ne se rend pas à la fête de Moondancer, une camarade de classe, car elle préfère étudier. On apprendra par la suite que ce geste a profondément blessé Moondancer : en effet, la jeune ponette phobique sociale avait réalisé un effort colossal en organisant cette fête, et espérait de tout cœur partager ce moment avec Twilight. Se sentant abandonnée, elle a replongé dans sa phobie et n’a plus fait confiance à personne, jusqu’à ce que Twilight présente ses sincères excuses.

Twiglight culpabilise énormément lorsqu’elle réalise les conséquences de ses maladresses sociales, et mobilise toutes ses ressources pour essayer de réparer ses erreurs (même s’il arrive que son obstination ne fasse qu’aggraver la situation). On ressent son attachement profond pour ses amies, source de ses plus puissants pouvoirs magiques, ainsi que son dévouement extrême pour les causes qu’elle sert. Par moments, elle peut faire preuve de beaucoup de patience et de douceur, en particulier lorsqu’elle s’identifie dans la problématique de son interlocuteur. C’est ainsi qu’elle parvient à convaincre Starlight Glimmer de renoncer à ses projets de vengeance et se ranger du côté du Bien, à la fin de la saison 5. La différenciation de sa fonction Fi fait progressivement d’elle un mentor à la fois ferme et plein de compassion.

Fonction inférieure : Sensation extravertie (Se)

Twilight n’est pas à l’aise avec le monde physique et lui porte peu d’attention. Elle a tendance à se cogner et à fuir les tâches de motricité fine : la seule fois où elle entreprend de faire la cuisine, les autres personnages sont stupéfaits de la voir aux fourneaux (et le résultat n’est pas très concluant…). Dans l’épisode 11 de la saison 1, elle se lève, se prépare pour sa journée, sort de chez elle, puis seulement s’aperçoit qu’il fait encore nuit. Dans l’épisode 20 de la saison 2, elle est tellement plongée dans ses pensées qu’elle ne remarque pas qu’elle creuse un trou dans le plancher en faisant les cent pas.

L’instant présent est étranger à Twilight : quand ses amies lui proposent un moment de relaxation, au début elle ne comprend pas en quoi cela consiste et demande qu’on lui explique comment faire… Elle met du temps à accepter que les activités où l’on s’amuse « pour s’amuser » puissent avoir un intérêt (autre que l’étude d’un phénomène social), encore moins lorsqu’elles impliquent du bruit et de l’agitation. Par ailleurs, ne pas anticiper l’environnement la rend nerveuse et impuissante, parce qu’elle n’est pas douée pour réagir dans l’urgence. Ainsi, la première fois qu’on organise une fête surprise en son honneur, elle s’enferme dans sa chambre et accuse les autres poneys d’être dingues. Si elle s’ouvre l’esprit par la suite, elle restera le poney de la bande qui a le plus de mal à lâcher prise. Sous stress, Twilight peut agir de manière impulsive et proposer des solutions absurdes aux problèmes, parce qu’elle veut les régler dans la seconde et ne réfléchit plus vraiment.

Twilight Sparkle sur l’ennéagramme

Twilight est souvent typée 5 en raison de son caractère solitaire et érudit. Or attention à ne pas tomber dans le piège de la confusion entre comportement et motivation ! Si son comportement rappelle un cliché de 5, les motivations de Twilight correspondent clairement à celles d’une base 6 (à dominante phobique). Dans les premières saisons, elle étudie avant tout pour faire la fierté de la princesse Celestia. Rien ne rend Twilight plus euphorique que recevoir des compliments de sa mentor et sentir qu’elle est son élève parfaite. Ce n’est pas tant qu’elle préfère ses livres aux gens, mais surtout que les livres lui permettent d’entretenir son statut et pas les gens. Même devenue princesse à son tour, Twilight considère toujours Celestia comme sa référence et est très angoissée à l’idée de la décevoir.

La compulsion d’évitement de la déviance du 6 est plus qu’illustrée au cours de la série. Twilight nourrit une obsession pour les règles devenue un running gag. Elle cherche à suivre la moindre notice à la lettre sans se poser de questions. (D’où sa lecture fréquente en tant qu’ISTJ.) Cette tendance persiste au fil du temps, ce qui démontre combien elle est ancrée. Dans la saison 8, par exemple, elle respecte les recommandations de l’E.E.A envers et contre tout, malgré les mauvais résultats, sans que l’idée de créer son propre règlement ne l’effleure. Elle aurait perdu son école si Starlight ne lui avait pas rappelé cette possibilité ! Pendant les premières saisons, Twilight envoie régulièrement des lettres à Celestia pour lui relater les leçons d’amitié qu’elle apprend. Dans l’épisode 3 de la saison 2, elle réalise qu’elle n’a rien à écrire dans son rapport hebdomadaire : la simple idée de déroger au rituel la plonge dans un délire psychotique. Persuadée que sa vie va s’arrêter, qu’elle va tout perdre, elle court partout dans Ponyville en essayant de créer artificiellement un problème d’amitié. (Cet épisode est culte, parce qu’on y voit la peur profonde de Twilight se manifester de façon si exagérée que c’en est hilarant.)

 « This is not nothing, this is EVEREYTHING !!! »

La loyauté presque fanatique de Twilight peut paralyser sa réflexion et la conduire à un besoin malsain de performance immédiate, même après des saisons d’expérience (désintégration en 3). A la fin de la saison 7, elle suit le plan de Starswirl malgré qu’il soit en contradiction avec ses valeurs. D’une part, il est inconcevable pour elle de remettre en question son héros. D’autre part, Twilight ne peut pas accepter que le sorcier ait une mauvaise image d’elle et oublie tout le reste pour tenter de regagner du crédit à ses yeux. Il faut qu’il l’estime, qu’il la prenne sous son aile. Bien qu’elle doute de plus en plus de son choix, Twilight ne changera de position qu’au dernier moment, lorsque sa loyauté à une autre dimension (son rôle de princesse de l’Amitié, relié à Celestia) sera invoquée. Dans l’épisode 7 de la saison 8, elle n’ose pas dire à Celestia qu’elle est une mauvaise actrice et s’échine à trouver un moyen de la faire jouer quand même, par peur de perdre sa relation privilégiée avec elle. C’est à cause de cette même peur qu’elle finira par lui dire la vérité.

L’aile 5 de Twilight, très marquée, s’exprime à travers sa curiosité naturelle pour de nombreux domaines. Elle a besoin de comprendre les phénomènes : elle accepte rarement d’abandonner tant qu’elle n’a pas une explication logique à apporter. On remarque au fil de la série qu’elle accumule à la fois des connaissances très utiles et totalement absconses, preuve qu’elle étudie aussi par pur amour du savoir. Lorsque Twilight est au meilleur d’elle-même, est devient plus paisible et affable. Les autres apprécient ses conseils avisés et viennent se ressourcer auprès de son aura calme. On peut assimiler cela à une intégration en 9.

Fait amusant : l’homologue humaine de Twilight, présente à partir du troisième film Equestria Girls, elle, est en base 5. Dans Friendship Games, elle est prête à renoncer à toute vie sociale en s’inscrivant à un programme d’étude indépendant. Son but est alors de satisfaire sa propre soif de savoir. Elle ne dépend d’aucun mentor, n’a aucune attache à son établissement : elle veut au contraire le fuir, car elle a la sensation d’y perdre son temps et ne supporte pas d’être confrontée à ce vide intérieur. (Elle en fait même une chanson !) Apprendre est véritablement au centre de sa vie. Elle montre un net détachement vis-à-vis des jeux de l’Amitié : lorsqu’on lui fait savoir que son intellect serait un atout pour la compétition, elle explique qu’elle est trop prise par ses études – et craint manifestement qu’on l’utilise comme une bête de foire. Si elle accepte d’y participer, c’est uniquement à cause d’un chantage de sa directrice. Sous la forme de son alter ego maléfique, Midnight Sparkle, elle est persuadée d’avoir tout compris à la magie. Sa croyance d’omniscience lui montre à la tête et elle se met à tout détruire, tout en réclamant encore plus de connaissances.

L’autre Twilight Sparkle – INTJ 5 aile 6

Dans Legend of Everfree, elle est terrifiée en découvrant ses pouvoirs : elle craint d’être à nouveau dépassée par ce qu’elle ne maîtrise pas et possédée par Midnight Sparkle. De plus, son excellence dans les matières scientifiques l’avait conforté dans l’idée qu’elle comprenait comment fonctionne le monde, mais l’introduction de la magie bouleverse ses repères. Elle refuse que Sunset Shimmer révèle son secret aux autres, sans doute pour éviter des questions et des demandes qu’elle se sent incapable d’assumer. Elle cache son trouble et s’isole afin de trouver une solution seule – là où la Twilight ponette organiserait une table ronde pour écouter le point de vue de ses amies. A la fin du film, elle réalise non seulement que son entourage a beaucoup de soutien à lui offrir (victoire sur une fausse croyance de 5 : « Mes besoins sont une gêne et je n’ai rien à attendre du monde »), mais aussi qu’elle maîtrise bien mieux sa magie qu’elle ne l’imaginait (victoire sur une 2e fausse croyance de 5 « Je n’ai pas les ressources qu’il faut en moi pour survivre »). Elle détruit ainsi définitivement Midnight Sparkle.