Réflexions sur l'ennéagramme

Pourquoi l’ennéatype 5 reste-t-il dans l’ombre ?

Avez-vous remarqué qu’il était assez difficile de trouver une célébrité en base 5 sur Internet ? Personnellement, je suis abonnée à des dizaines de chaînes YouTube et je ne saurais identifier que trois ou quatre vidéastes d’ennéatype 5 dans le lot. Pourtant, la moitié de ces chaînes produisent de la vulgarisation, le genre de contenu que les 5 affectionnent habituellement. Dès lors qu’on arrête d’associer « être en base 5 » et « partager des connaissances/s’intéresser en profondeur à un sujet » sans étudier les motivations de la personne, on se rend compte de la grande discrétion de ce profil sur la toile. Pourquoi cette rareté ? En fait, le succès populaire et l’ennéatype 5 se repoussent d’une manière quasi-mécanique. C’est le sujet de l’article du jour.

Comment les 5 brillent en société ?

Imaginez que toute la connaissance mise à la disposition du public ait la forme d’une grande toile. Sur cette toile, il y a des zones finement travaillées, voire saturées. Ce sont les domaines bien documentés, couverts par de nombreux contenus et spécialistes de la question. D’autres zones de cette toile sont vierges. Il n’y a rien à y contempler… Ce sont les « trous dans la connaissance », comme j’aime les appeler : les domaines sur lesquels peu de gens se sont déjà penchés. Ceux qui ne donnent aucun résultat ou presque lorsque vous les entrez dans une barre de recherche. La spécialité des ennéatypes 5 est de détecter ces zones vides. Lorsqu’ils en trouvent une qui les intéresse, ils y installent leur Q.G et commencent leur travail. En quoi consiste-t-il ? Eh bien, à remplir le trou, évidemment.

Une fois qu’un 5 a trouvé sa niche, il devient très compétent dans le domaine étudié. Il se repaît d’un maximum d’informations, classifie les données dans sa tête et produit beaucoup d’efforts pour perfectionner sa maîtrise. S’il est situé à un niveau d’épanouissement correct, il fera en sorte que les résultats de ses travaux soient utiles aux autres, de façon directe ou indirecte. Les 5 qui ont marqué l’Histoire étaient pour la plupart des chercheurs et des inventeurs, que ce soit dans une discipline scientifique ou ailleurs. (Il y a également des 5 artistes, athlètes…) On se souvient généralement davantage de leur œuvre que de l’individu derrière, ce qui n’est pas pour leur déplaire. Les 5 sont rarement avides de reconnaissance : ils veulent surtout pouvoir se consacrer aux sujets qui les passionnent et être laissés en paix, dans leur sacro-sainte solitude. Cependant, ils tirent tout de même une certaine fierté d’être reconnus comme une figure « sachante » dans leur domaine d’expertise (en particulier ceux de variante instinctuelle sociale). Du moins, jusqu’à un certain point…

Beaucoup de personnes se réjouissent quand le travail qu’elles réalisent touche de plus en plus de gens. Ce n’est pas le cas de l’ennéatype 5, au contraire : plus son domaine d’expertise perd son caractère marginal et devient mainstream, plus il a tendance à s’en désintéresser. Il peut être confondu avec l’ennéatype 4 sur ce point, même si leurs motivations sont très différentes. Les 5, derrière leur apparence détachée, sont en réalité investis à 100 % dans ce qu’ils font – pour peu qu’ils aient choisi de le faire. Ce sont des geeks dans l’âme. D’authentiques bon gros geeks comme on n’en fait plus. Attention, ils ne s’intéressent pas nécessairement à l’informatique ou aux comics ! Par « geeks », je veux dire qu’ils ont l’habitude de passer un temps prodigieux à étudier ce qui les intéresse, en se débrouillant tous seuls avec leur cervelle et un petit couteau…

A des niveaux de développement sains, les 5 éprouvent un réel plaisir à rendre accessible le fruit de leurs réflexions aux autres. Ils valorisent la curiosité et l’autonomie. S’ils sentent chez leur interlocuteur une envie sincère d’apprendre, ils sont heureux, peuvent déborder de passion et offrir de leur temps sans compter. Quand ils ne sont pas bloqués dans leur ego, ils font souvent d’excellents enseignants, sachant rendre intéressant presque n’importe quoi. En revanche, si un 5 a l’impression de perdre son temps et son énergie, il ferme la vanne et se retire rapidement.

Quand les projecteurs rendent nauséeux

Le problème qui se pose, c’est que la majorité de la population n’est pas composée de geeks. La plupart des gens n’ont pas envie de devenir autonomes dans leur apprentissage : ils veulent que quelqu’un d’autre leur mâche le travail et leur serve tout cuit dans le bec. Ils sont moins intéressés par la compréhension fine d’un sujet que par l’utilisation de celui-ci pour servir leurs intérêts. Ils veulent du savoir fast food, léger, rapide, sans prise de tête. Et ce n’est pas condamnable en soi : tout le monde n’a pas le temps d’étudier les sujets qui l’intriguent à la manière d’un 5. Tout le monde n’a pas à avoir cette motivation non plus. Il faut de tout pour faire une société : pendant que les 5 geekent dans leur planque, ils ne sont pas dehors en train d’agir sur d’autres fronts. Et ils sont bien contents de pouvoir se soustraire à ces tâches-là, grâce à d’autres profils qui tiennent déjà le poste.

Toujours est-il qu’il est douloureux pour un 5 de voir son « jouet » échapper à son contrôle. Son joyau de savoir, taillé et poli avec amour, partagé autrefois entre individus désireux de le comprendre et d’en faire un usage équilibré… devient un objet superficiel, dont on ne respecte plus l’essence. C’est un gadget, un morceau de pâte à modeler qui se refile de main en main, chaque fois un peu plus déformé et grotesque. C’est une propriété publique : on l’ampute, on la défigure, on la renomme, on la repeint à volonté. Tout le temps passé par le 5 à travailler sur le sujet, toute l’énergie qu’il a dépensé dans l’idée d’instruire la population, semblent avoir été vains… Naguère, le public était non-informé. Autrement dit, il était comme une outre vide attendant d’être remplie. Désormais, le public est surtout désinformé : il faudrait donc vider son outre remplie d’idées reçues, puis la re-remplir. Sachant que la désinformation se propage en moyenne 10 fois plus vite que l’information, et qu’une bonne partie des gens n’ont pas envie de revoir leurs préjugés. La tâche est monstrueuse. C’est quasiment impossible pour un 5 de tenir face au courant. Il sent ainsi venir le temps de se retirer.

A ce moment-là, le 5 opte en général pour l’une de ces deux solutions : 1) Se désintéresser complètement du sujet et aller se trouver une autre niche. 2) Retourner dans l’ombre et ne plus travailler qu’avec le noyau dur de son ancienne niche, constitué de personnes aux motivations proches des siennes. Dans le second cas, il se revendique parfois comme étant de la « vraie » école, tandis que la « populace » ne fait que singer ce qui fut autrefois une discipline empreinte d’une certaine noblesse à ses yeux.

La culture geek est un bon exemple : il y a une quinzaine d’années encore, le mot « geek » avait une connotation péjorative. Le geek, c’était un individu fermé sur lui-même, s’intéressant à des sujets étranges et abscons. L’autiste de service. (Personnellement, on me « traitait » de geek au collège.) Aujourd’hui, se revendiquer en tant que geek est perçu comme banal. C’est même une identité que beaucoup de gens recherchent, car ils la trouvent cool et valorisante. J’ai croisé des 5 que ce phénomène de mode énervait beaucoup, car selon eux, le terme geek avait été dérobé et déformé par la culture populaire… jusqu’à perdre ce qui faisait son essence. Ils s’étaient battus durant leur jeunesse pour faire de leur manière de vivre une fierté plutôt qu’une honte, et voilà qu’on s’appropriait leur problématique (qui plus est, dans une version archi-édulcorée)…

Mon expérience

Je dois le dire honnêtement : j’ai ressenti quelque chose de similaire par rapport au MBTI. A l’époque où j’ai créé L’Antre de la Chouette, il y avait très peu de contenus francophones à ce sujet. Peu de sites qui faisaient autre chose que répéter la même que partout ailleurs, et rien de vraiment développé sur YouTube, à ma connaissance. (C’est pas faute d’avoir cherché… c’est d’ailleurs sur ce constat que j’ai décidé d’apporter ma pierre à l’édifice.) En l’espace de quatre-cinq ans, j’ai vu éclore plusieurs chaînes, se développer des groupes Facebook que j’avais rejoint à leur fondation… Ces derniers sont passés de quelques dizaines à quelques centaines de membres. La teneur des échanges s’en est vue affectée.

Dans la sphère francophone, le MBTI n’est plus un truc de geeks fadas de psychométrie : le grand public se l’est approprié et commence à le faire dériver à sa guise, lentement mais sûrement. Ce n’est plus un rassemblement de passionnés souhaitant creuser ensemble le sujet. C’est un grand chaudron où les novices versent leurs théories hasardeuses avant d’avoir consolidé leurs bases. (Exemple : « Tous les T votent à droite et tous les F à gauche », « Les types T n’éprouvent pas naturellement des émotions »…) Un service de typage express, pour ceux qui veulent trouver leur identité rapidement et facilement comme on veut un nouveau téléphone. (Mais avec la même profondeur que si on avait fait des heures d’introspection sérieuse quand même. Comment ça, on ne peut pas avoir les deux à la fois ?!) Un repère pour ceux qui n’en ont cure de la théorie jungienne et ne s’intéressent au MBTI que pour leur usage personnel. J’ai fui les groupes MBTI dès que j’ai senti la vague arriver.

Les messages privés que je reçois ont changé, eux aussi. Aux débuts de mon blog, j’en recevais une grande variété, dont certains ont donné lieu à des échanges très enrichissants. Actuellement, 90 % des messages sont des demandes d’aide au typage. Par des personnes qui, en général, n’ont pas ou peu étudié le MBTI en amont, arrivent avec une grosse cargaison de préjugés et attendent que je démêle tout dans leur tête. Elles m’envoient spontanément un long pavé sur leur vie intime, parfois en insérant avant : « Je sais que tu as arrêté ton blog et que tu es très occupée, mais… ». J’ai dit clairement que je ne voulais plus ce genre de message : si quelqu’un m’envoie ça en connaissance de cause, il ne me respecte pas, c’est tout. Peu importe les fioritures qu’il y met. Il s’est dit « Peut-être qu’avec moi elle fera une exception, au culot », il ne se soucie pas de mon bien-être et ne pense qu’à son intérêt. C’est un fait. Je redirige froidement ailleurs, car je n’ai même pas la force de m’énerver.

Mais vous savez quoi ? Le pire avec ces échanges, en public ou en privé, ce n’est même pas quand on vient taper dans mon avarice égotique. Non, le pire, c’est quand je réalise que mon interlocuteur a une curiosité et un esprit critique totalement endormis. Quand je sais que j’aurai beau l’avertir, insister sur l’importance de croiser les sources, il va juste boire ce que je dis et ne rien remettre en question. Parce que si je le dis, c’est forcément nickel chrome ! (Alors que je fais des erreurs, moi aussi !) Je me sens malheureuse quand je vois ça. C’est exactement l’inverse de ce qui compte pour moi, de ce pourquoi j’ai passé des journées et des soirées entières à écrire… Et je sais très bien que ces comportements seront désormais monnaie courante si je remets les pieds sur un groupe MBTI. Parce que la plupart des gens sont comme ça dans la vraie vie, et que le MBTI appartient désormais à cette masse.

Bref. Ce n’est pas un drame en soi, qu’une discipline échappe aux gens qui ont contribué à la populariser. Les choses évoluent avec le temps, et ceci est bien normal. Néanmoins, si vous voyez de moins en moins de 5 fréquenter une sphère en pleine émergence, vous saurez désormais pourquoi. Gagnés par la lassitude, ils vont disparaître des radars, pour passer à autre chose ou se réunir dans des sous-sous-groupes secrets. Et recommencer le cycle.

La Chouette

Réflexions sur l'ennéagramme

L’ennéatype 5 dans tous ses états (partie II)

Cet article est la seconde partie d’un dossier consacré à la base 5 de l’ennéagramme. Si vous n’avez pas consulté la première partie, je vous commande de cliquer ici avant de lire le texte ci-après.

Les flèches du 5 : intégration et désintégration

Il y a une logique dans la dynamique d’intégration et de désintégration du 5. Pour vérifier si l’on est concerné par cette dynamique, il ne suffit donc pas de reconnaître en soi des traits de personnalité pouvant s’apparenter à du 7 ou du 8. (Si on part comme ça, je peux vous affirmer que je suis en base 9 ! Eh oui, parce que quand ça va pas je deviens anxieuse comme un 6 et quand ça va bien je deviens très productive comme un 3. Imparable. En plus je suis un peu timide, il vous faut quoi de plus. Je fais aujourd’hui rayonner mon énergie de 9 sur cet article, c’est cadeau.) La première chose à faire est de comprendre comment l’énergie du 7 et du 8 interagissent avec avec celle du 5.

Au niveau des flèches, j’adhère à l’école française intégrant les sous-types alpha et mu. Cela signifie qu’il y a deux sous-types au sein de la base 5. Le sous-type « alpha » désigne les 5 avec un centre émotionnel en soutien et un centre instinctif réprimé. Ce sont des 5 relativement bien connectés à leurs émotions, mais qui évitent d’interragir avec l’environnement et ont tendance à se bloquer dans leur tête. Les 5 alpha s’intègrent en 8 et se désintègrent en 7. Le sous-type « mu » désigne les 5 avec un centre instinctif en soutien et un centre émotionnel réprimé. Ce sont des 5 assez conscients de leur corps et capables de s’ancrer dans l’action quand il le faut, mais qui ont du mal à appréhender leurs ressentis et ceux des autres. Les 5 mu s’intègrent en 7 et se désintègrent en 8. Je vais aborder les deux cas de figure.

Note : dans la pratique je considère qu’on peut prendre les bons et mauvais côtés du 7 et du 8 quel que soit le sous-type : les variantes alpha/mu désignent plutôt une tendance dominante.

  • Les flèches du 5 alpha :

Le 5 alpha (généralement celui dont on parle dans les descriptions quand le sous-type n’est pas précisé) s’intègre en 8 lorsqu’il est épanoui. Cela correspond à une connexion avec l’énergie viscérale qui lui fait habituellement défaut. Son ventre est comme rempli, une sensation de puissance gagne son corps et procure une agréable bouffée de confiance en soi. (Qui, contrairement à l’énergie d’une base 8, ne sera pas présente en excès mais juste au niveau qu’il faut pour que le 5 soit bien.) Dans cet état, le 5 active beaucoup plus facilement son centre instinctif, d’ordinaire réprimé. Il parle plus fort, ose s’impliquer dans l’action et n’a plus peur d’exprimer son opinion. Et pour cause : grâce à l’énergie du 8, il se sent parfaitement capable de défendre son territoire et ne craint plus ainsi d’être envahi ou vidé. Maintenant, c’est lui le patron.

Le 5 alpha se désintègre en 7 lorsqu’il va mal. Là où le 8 vient combler son vide intérieur, le 7 l’élargit et le rend encore plus avide de ressources. Dans cet état, le 5 ressent une urgence à se remplir. Il part en quête furibonde et désordonnée de stimulations pour ne pas faire face à ce trou béant qui le dévore de l’intérieur. Cela peut se traduire sur le plan physique (appétit d’ogre, addictions, besoin immédiat de dépense physique, achats compulsifs – notamment de type « collectionnite »…) comme sur le plan mental (recherche éperdue d’informations, d’interactions… sur lesquelles il est incapable de se concentrer, car le vide revient déjà et il doit trouver de nouvelles choses à dévorer !). Il peut aussi prendre le côté narcissique du 7 et essayer d’attirer l’attention sur lui, afin de générer des stimuli… bien qu’il déteste en même temps le faire et ne fasse que renforcer son stress. Dans cet état, le 5 est comme aspiré dans une boucle infernale tournant à 500 km/h. Malgré son épuisement, il n’arrive pas à stopper sa frénésie : ce serait perdre du temps et manquer toutes ces occasions de se stimuler encore ! Sur plus long terme, la désintégration en 7 peut prendre la forme d’une vision hyper-rationnelle de la vie, avec une coupure émotionnelle et des idées fixes souvent morbides.

  • Les flèches du 5 mu :

L’ennéatype 5 évite inconsciemment de se créer plus de besoins qu’il n’en a déjà. (Afin de ne pas avoir plus d’énergie à investir.) Ainsi, il comble ses besoins d’ordre mental et tend à faire passer à la trappe ce qui concerne d’autres champs, comme son bien-être corporel. Le 5 mu est moins concerné que le 5 alpha par ce problème, car lorsqu’il est épanoui, il entre au contact de l’énergie du 7. Il développe ainsi un élan d’exploration et une plus forte préoccupation pour son plaisir immédiat. Il identifie les activités qui lui procurent de la joie au quotidien et apprend à s’y consacrer sans que sa compulsion ne se déclenche. Plutôt que de les voir comme une perte de temps, qu’il pourrait passer à nourrir son centre mental, il en prend soin et les estime importantes pour son équilibre. Etant un ascète naturel, le 5 intégré en 7 pense en général qu’un plaisir est d’autant plus précieux qu’il a du sens pour l’individu (de par sa rareté, l’effort requis pour l’obtenir, etc.) : contrairement à un vrai 7, il a donc peu de risque de tomber dans l’excès. En allant vers le 7, le 5 mu devient aussi plus détendu, enthousiaste et spontané en compagnie des autres.

La répression du centre émotionnel à tendance à changer le 5 mu en boule de nerfs. S’il n’a pas l’occasion de se « décharger » sainement, il peut adopter des conduites extrêmes quand la soupape cède. Lorsqu’il se désintègre en 8, les émotions contenues en lui explosent ainsi sous forme d’agressivité. Il peut entrer dans une colère incontrôlée et spectaculaire, ou bien lutter pour garder le contrôle et emmagasiner encore plus de stress (ce qui ne fera que retarder l’explosion, et nuire à sa santé sur le long terme). Sa vision du monde devient manichéenne et il émet des jugements expéditifs sur les objets de sa frustration. Il peut également s’imaginer que le monde s’est ligué contre lui pour lui faire perdre son temps ou envahir son espace vital. Sur le long terme, le 5 désintégré en 8 devient confrontant et éprouve le besoin d’écraser les autres pour démontrer sa supériorité intellectuelle.

Les ailes du 5

L’aile nuance la personnalité de l’individu en empruntant des traits à l’un des ennéatypes adjacents (pour le 5, ce sera le 4 et/ou le 6). Ces traits servent généralement les intérêts de la base, mais peuvent aussi ajouter à la problématique centrale des problématiques de la base voisine. Toutefois, le poids de l’aile n’est jamais supérieur à celui de la base principale. Notons aussi que dans certains cas, l’aile est très peu développée et l’individu incarne juste complètement l’archétype de sa base. Chez le 5, dans de nombreux textes, l’aile 4 est associée à une part émotionnelle et/ou artistique plus importante, tandis que l’aile 6 induirait un aspect plus pragmatique. Pour ma part, je trouve cette vision très réductrice et en contradiction avec l’école des sous-types alpha/mu. Le degré de proximité avec ses émotions dépend logiquement de la hiérarchie des centres et non pas de l’aile : en effet, un 5 alpha (centre émotionnel en soutien) peut très bien emprunter des aspects du 6 tout en ayant une part affective développée, tout comme un 5 mu (centre émotionnel réprimé) peut présenter des traits de 4 en les mentalisant complètement.


  • Le 5 aile 4 : l’iconoclaste

Si les personnes en base 5 sont souvent assez atypiques dans leur manière de réfléchir, l’aile 4 renforce cet aspect. Elle vient greffer sur la base 5 des thématiques liées à l’expression de l’identité : authentique ou faux, compris ou incompris, original ou banal, etc. Plus fantasque que son cousin d’aile 6, le 5 aile 4 assume mieux de se montrer tel qu’il est en public. Il peut par exemple s’habiller de manière exubérante (après avoir étudié son style) ou aller travailler avec ses vieux pulls troués sans se soucier d’être mal regardé. Pour cette raison, le 5 aile 4 est parfois perçu comme irrespectueux ou provocateur, bien qu’il se contente généralement faire ce qui lui plait sans arrière-pensée. Il peut prendre plaisir à se spécialiser dans des domaines inaccessibles pour la masse, ou collectionner des objets rares qu’il va chasser comme des trésors (livres anciens, machines sophistiquées, pièces uniques de décoration…). Il semblerait que la plupart des 5 aile 4 aient un instinct Sx plus fort que leur instinct So, mais il n’y a pas de règle absolue.

  • Le 5 aile 6 : le solutionneur

Le 5 aile 6 enrichit sa personnalité avec de nouvelles thématiques empruntées au 6 : vérité ou mensonge, confiance ou méfiance, en danger ou protégé, etc. Tout en conservant son indépendance naturelle, ce 5 ressent le besoin de s’intéresser à des communautés ou des idéologies, et parfois d’intégrer une « meute » sur laquelle il peut compter. Il prend plus en compte la dimension sociale dans ses raisonnements que son cousin d’aile 4 : ainsi, il a tendance à adopter une conduite plus consensuelle pour éviter de faire des vagues, bien qu’il s’indigne par ailleurs face aux injustices. Sa vocation est plus de produire des travaux d’utilité publique (à minima : utiles pour sa communauté) que d’inventer de nouvelles manières de faire. Il peut chercher à défendre les opprimés et développer des compétences d’auto-défense physique et intellectuelle pour se sentir plus en sécurité. J’observe que les 5 aile 6 ont généralement un instinct So plus fort que leur instinct Sx, bien qu’il existe sans doute des exceptions.

Note : les ailes ont une très grande variété d’expression. Ces descriptions généralistes n’ont pas pour vocation d’être exhaustives.

Idées reçues sur l’ennéatype 5

Pour finir, je tiens à revenir sur quelques points qui me semblent notoirement mal compris au sujet de la base 5.

« Une personne en base 5 est obsédée par le fait d’être autonome »

Alors oui, mais attention, c’est un peu plus compliqué que ça. Je m’explique : les personnes en base 5 ont un immense besoin d’autonomie, ceci est tout à fait vrai. Toutefois le 5 est autonome par essence : en temps normal, il n’a pas besoin de réfléchir outre mesure à cette problématique, étant donné qu’il fait inconsciemment en sorte d’être toujours indépendant. C’est déjà acquis, profondément gravé dans les rouages de son fonctionnement. En fait, la peur de perdre son autonomie concerne plus les personnes en base 6 ! Celles-ci cherchent en effet un équilibre entre leur besoin de s’appuyer sur une entité extérieure pour prendre des décisions (un groupe, un mentor, une idéologie…) et la peur de devenir trop dépendants, d’être trahis, manipulés, ou de ne plus pouvoir s’en sortir par soi-même. Parce qu’ils ont conscience de leur besoin de validation extérieure, les 6 sont d’autant plus inquiétés par le fait de perdre leur indépendance. Ainsi, si vous faites la comparaison, vous remarquerez que les personnes mettant fortement en valeur leur caractère autonome (ou leur peur de ne plus l’être) sont plus souvent en base 6 qu’en base 5. (Pour un 5, ceci est tellement évident qu’il ne pense pas à le mentionner, en général.)

Le rapport aux autres du 5 dans la problématique de l’indépendance est plus proche de celui du 9 (avec qui il partage la blessure de rejet) : comme le 9, le 5 pense que ses besoins et désirs représentent un poids pour les gens autour de lui. Il projette sur ses interlocuteurs son mécanisme égotique et croit ainsi qu’il envahit leur espace et leur en demande trop. Il ne devrait pas leur infliger cela et savoir se débrouiller tout seul. Là où le 9 essaye d’oublier ses besoins par la narcotisation et la fusion avec l’autre, le 5 fait en sorte d’assurer seul sa propre subsistance, en développant ses compétences. Si un paramètre incontrôlable (maladie, handicap, situation de grande pauvreté inopinée…) s’immisce dans la vie du 5 et l’oblige à s’appuyer sur les autres, il aura ainsi deux gros problèmes à résoudre : 1) Accepter que les ressources puissent être générées par autre chose que lui-même. 2) Accepter son propre droit d’avoir des besoins, des désirs, et de demander de l’aide. Globalement, le 5 luttera contre la croyance fondatrice de son mécanisme : « Le monde extérieur n’a pas de ressources à m’offrir ». Le 5 présente une incapacité profonde à envisager de s’appuyer sur l’extérieur, plutôt que d’une peur profonde que l’extérieur ne soit pas fiable (comme chez le 6).

J’émets l’hypothèse qu’une grande partie des mistypes sur l’ennéatype 5 viennent d’une mauvaise compréhension de la notion d’indépendance chez ce profil.

« Les personnes en base 5 ne sont pas très sensibles »

La plupart des descriptions sur Internet font passer les personnes en base 5 pour des robots. Moi-même, j’ai hésité à me typer 5 parce que je me sentais beaucoup trop sensible pour correspondre à ce que je lisais. En réalité, une personne d’ennéatype 5 peut être très délicate et émotive. (J’irais même jusqu’à dire que les gens en base 5 ont tendance à se sentir vulnérables et qu’on trouve chez eux une proportion importante d’hypersensibles – sur le plan sensoriel comme émotionnel !) Le fonctionnement du 5 n’impacte pas tant l’intensité des émotions, mais la manière de les traiter. Le 5 compartimente les aspects de son existence et de son monde intérieur, afin de pouvoir larguer un compartiment défectueux en cas de besoin tout en préservant les autres. Etant donné que le compartiment « maison » est son mental, il n’est pas directement au contact de sa part affective : il ressent ainsi les choses en différé. Concrètement, dans la majorité des cas, l’émotion n’apparaît pas au moment de l’événement déclencheur (une dispute, une surprise, etc.), mais quelques temps après, une fois que le 5 est seul avec lui-même.  A ce moment-là, il peut quitter son mode analytique ordinaire et se laisser complètement aller à son ressenti. Voilà pourquoi il ne faut jamais exiger du 5 une réaction affective immédiate : son tempo naturel ne le lui permet pas. Une telle demande ne fera que le stresser et l’inciter à se fermer encore plus.

Les émotions ne sont pas la langue natale du 5, habitué à porter son attention sur la compréhension du monde extérieur. Cependant, certains 5 (y compris des mu !) parviennent à avoir une lecture très pertinente de leur vie intérieure en compensant avec leur centre mental : par exemple, en étudiant la psychologie ou les neurosciences. Soit dit en passant, bien qu’on associe souvent le 5 à l’archétype du matheux, on trouve parmi les 5 un grand nombre de profils artistiques et littéraires. L’idée reçue comme quoi les 5 seraient peu sensibles vient sans doute du fait que les textes sur l’ennéatype 5 ne sont généralement pas écrits par des 5. La description correspond donc davantage à ce que le 5 renvoie socialement qu’à ce que le 5 vit dans son intimité.

J’espère que cet exposé sur l’ennéatype 5 était clair et complet, et vous aidera à mieux comprendre le fonctionnement de cette base. Je vous invite à lire mon analyse du personnage de Nanachi, ainsi que celle de Shino Asada (aka Sinon) si vous souhaitez voir des mises en pratique des mécanismes du 5.

Réflexions sur l'ennéagramme

L’ennéatype 5 dans tous ses états (partie I)

L’ennéagramme, malgré sa présentation simple, et un modèle extrêmement complexe à aborder. (Bien plus que le MBTI, à mon sens.) Des années de travail, d’observation et d’échanges sont souvent nécessaires pour le maîtriser correctement. Quand je relis mes articles sur le sujet, je les trouve imprécis et relativement clichés. Finalement, il n’y a que la base 5 (parce que je la vis en plus de l’observer) que je pense pouvoir expliquer de manière vraiment juste et complète. Cela tombe à pic puisque apparemment, le monde de la psychométrie amatrice francophone en a besoin. C’est parti !

On fait n’importe quoi avec l’ennéatype 5

Bon, on fait n’importe quoi avec l’ennéagramme d’une façon générale, entendons-nous bien… Toutefois, j’ai la sensation que l’ennéatype 5 est particulièrement victime de la confusion entre comportement et motivation au sein de la communauté MBTI/ennéagramme. Une grande partie des personnes se déclarant en base 5 (et croyez-moi j’en ai croisé un sacré paquet) s’identifient à ce profil pour de mauvaises raisons. Leur croyance se fonde sur une compréhension floue de cet ennéatype doublée d’effet Barnum.

Voici donc un récapitulatif des points qui ne définissent PAS l’ennéatype 5, mais qui servent quand même massivement d’arguments pour se typer 5 :

– Être introverti, c’est-à-dire perdre de l’énergie au contact du monde extérieur (interactions sociales, stimuli de l’environnement…) et regagner de l’énergie au contact de son monde intérieur (activités solitaires, temps passé au calme…), ce qui implique souvent un cercle social restreint et une tendance à rester cloitré chez soi le week-end. Environ 50 % de la population est introvertie. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas 50 % d’ennéatypes 5 au sein du genre humain. En plus, il y a des 5 extravertis, mêmes s’ils sont minoritaires.

– Adorer apprendre, voire mettre le savoir au centre de sa vie. Le 5 fait effectivement cela, mais pour des raisons bien spécifiques. Tous les autres ennéatypes peuvent accorder une place primordiale à la connaissance dans leur vie, pour d’autres raisons liées à leur propre mécanisme. Je suis au regret de vous informer que tous les professeurs et chercheurs de la planète ne sont pas en base 5. (Et heureusement pour nous.)

– Être analytique, passer son temps à observer le monde pour essayer de le comprendre. Pour rappel, il n’y a pas un mais trois ennéatypes avec un centre mental dominant, et le 5 n’est pas le seul à posséder un cerveau fonctionnel. Plus largement, chaque ennéatype peut être fortement analytique à sa façon et pour servir ses intérêts.

– Être timide, phobique social ou plus ou moins autiste. Tous ces traits renvoient à des conditions ou pathologies qui peuvent se retrouver dans toutes les bases. (Je sais, je me répète… c’est pour toutes les fois où des gens ont oublié d’y penser.)

– Avoir un « vide intérieur ». Alors là, les amis… c’est la foire à la saucisse. Open bar, tout y passe, on se croirait dans un meeting d’extrême gauche. Le vide intérieur du 5, tout le monde témoigne en être victime mais personne n’a l’air de savoir ce que c’est exactement. Ça tombe bien, je vais vous l’expliquer plus loin dans l’article. (Spoiler : c’est un peu plus spécifique que la vague mélancolie de vivre dans une société matérialiste, consumériste et superficielle, qui nous assure qu’on sera enfin heureux en achetant toujours plus de merdes fabriquées dans le tiers-monde pour nous donner une illusion de contrôle sur notre existence dénuée de sens. Et ça n’a rien à voir avec votre dernière rupture non plus.)

Du coup, si vous vous pensiez en base 5 en vous reposant sur ces critères, je vous informe que votre opinion ne se fonde sur absolument rien de crédible. Il va falloir recommencer tout votre travail de recherche et d’introspection, et arrêter d’aller dire à vos copains du groupe Facebook secret « INTJ Master Race » que vous êtes en base 5 car vous lisez des articles sur l’immunologie pendant vos pauses midi au lieu de regarder le foot en vous mettant les doigts dans le nez. Voilà. (Et avec des méthodes d’analyse aussi bancales il est fort probable que vous ne soyez pas INTJ non plus, mais une chose à la fois…)

Mais du coup c’est quoi, l’ennéatype 5 ?

C’est bien de se poser la question à un moment donné quand on cherche sa base ennéagramme, j’avoue. Je vais tenter ci-après de dégager l’essence de la base 5, les concepts qui font la moelle de son mécanisme égotique.

Le vide intérieur : de quoi parle-t-on ?

Il y a dans la pensée du 5 une omniprésence du champ lexical de la gestion de ressources. Donner ou ne pas donner. Révéler ou dissimuler. Economie ou gaspillage. S’investir ou rester en retrait. Se dépenser ou se reposer. Vide ou rempli. Assez ou pas assez. Se sentir aspiré, englouti, ou se sentir enrichi, renforcé. Etc. La nature des ressources varie selon l’individu (les connaissances, les compétences, les émotions, la force vitale…), mais le mouvement de l’énergie reste le même. Chez tous les 5, on retrouve la peur constante d’être dépouillé de ses ressources intérieures et ainsi démuni face au monde extérieur… un monde dont les exigences sont supérieures à la quantité de ressources que le 5 se sent capable de fournir. La rétention est donc nécessaire à la survie. C’est le fondement de sa compulsion : éviter le vide intérieur.

Le 5 remplace les moments où il pourrait s’offrir aux autres (en étant présent physiquement et/ou psychologiquement) par des moments où il continue de se remplir seul de son côté, sous prétexte qu’il ne contient pas encore assez de ressources pour faire face aux situations de la vie. (Par exemple : décliner les invitations à des événements sociaux car il préfère rester chez lui à lire des manuels de chimie.) Il croit qu’à force de se remplir, il finira par se sentir suffisamment bien préparé et pourra enfin apparaître au-dehors et agir. En réalité, le 5 ne se sent jamais suffisamment rempli… pour la simple raison que la seule chose pouvant combler réellement son vide intérieur se trouve dans le monde extérieur. Dans sa fixation de détachement, le 5 incarne ainsi l’avarice dans l’ennéagrame traditionnel, en accumulant pour lui-même sans faire profiter autrui de sa grande richesse. Il détient tous les savoirs possibles, sauf peut-être le plus important : la joie d’être en connexion avec ses pairs humains.

Voici une situation typique du quotidien d’une personne en base 5 :

« Tu viens danser avec nous, le 5 ?
– Non, je ne sais pas danser. (Je suis vide. Je ne peux pas donner de moi.)
– Ah mais ça fait rien, ça, on va t’apprendre ! Et puis on est là pour s’amuser.
– Je préfère vous regarder faire d’abord, pour comprendre comment ça marche. (Je me détache plutôt que de m’impliquer.)
– Tu apprendras bien mieux en essayant de danser avec nous !
– Ah non, ça me stresse, je ne maîtrise vraiment pas la danse, vous savez… (Je veux éviter le sentiment de vide lorsque je suis confronté à une situation que je ne maîtrise pas. Je vais plutôt acquérir les ressources de mon côté, ensuite seulement je me sentirai assez fort pour venir parmi vous et gérer la situation.) ».

Le 5 contemple le monde extérieur à travers une vitre symbolique. Lui-même tend à se regarder à la troisième personne, comme s’il était son propre sujet d’expérience…

Vous notez qu’à aucun moment dans cet exemple, le 5 n’a considéré qu’il pouvait obtenir les ressources manquantes autrement que par ses propres moyens. Ni qu’il pouvait dépenser de l’énergie sans raison apparente, juste pour s’amuser ou se défouler. Pourquoi nourrit-il donc cette croyance inconsciente que l’extérieur ne fait que prendre, jamais donner ? Il n’a pas identifié de figures nourricières étant enfant, ou bien celles-ci ne respectaient pas son espace vital et l’ont forcé au repli : l’idée d’en chercher ailleurs ne lui traverse simplement pas l’esprit. Pour s’épanouir, le 5 doit dépasser sa peur d’être débordé par les demandes et de se retrouver sans ressources. La tâche est difficile, car le vide intérieur provoque chez lui de fortes angoisses : c’est le travail d’une vie. Toutefois si le 5 y parvient, il découvre que l’environnement n’est pas qu’un gouffre aspirant son énergie, mais aussi un lieu généreux en ressources. Il accède alors à sa vertu, le désintéressement.

En temps normal, le 5 communique comme s’il se trouvait face à une interface de contrôle. Devant lui se trouvent des contenants, correspondant à chaque aspect de son existence : ses connaissances, ses émotions, des informations personnelles, les différents milieux qu’il fréquente… (Le 5 divise pour mieux régner. Ainsi, si un compartiment de sa vie est touché, les autres sont épargnés et peuvent rester fonctionnels.) En gardant un œil alerte sur l’état de chaque compartiment, il calcule ce qu’il va donner, ouvre et ferme méticuleusement les vannes pour laisser sortir les ressources choisies. Voilà ce qui donne le « traité », son style de communication signature : les fameux exposés un peu assommants, derrière lesquels il se cache pour éviter de s’impliquer de manière plus personnelle. Gare à qui oserait lui en réclamer plus ! Le 5 est le seul maître à bord, et fuit aussitôt qu’on fait mine d’aller trifouiller dans sa machinerie. En entrant en contact avec sa vertu, le 5 oublie un moment sa gymnastique mentale, ouvre son cœur et partage avec bienveillance ses connaissances et sa sagesse aux autres. Il aide spontanément ses congénères sans attendre de louanges.

Je viens de décrire la problématique centrale du 5. Elle concerne tous les individus en base 5, quel que soit leur type MBTI ou autres différences individuelles. Une personne qui n’a pas ce mécanisme au coeur de son existence n’est pas en base 5, peu importe combien elle est érudite et analytique par ailleurs. Dans la mesure où tout ce qui va suivre tourne autour du vide intérieur et sa dynamique spécifique, s’il n’est pas présent, rien ne peut tenir debout. Ceci dit, je vais maintenant détailler les nombreuses façons dont le mécanisme du 5 peut s’exprimer, en fonction des variantes instinctuelles, du sous-type et des ailes.

Les variantes instinctuelles du 5

Nous possédons tous trois instincts : l’instinct de conservation (qui se préoccupe de notre intégrité physique), l’instinct social (qui se préoccupe de notre intégration au groupe de pairs) et l’instinct sexuel (qui se préoccupe de nos relations intimes – y compris au-delà du cadre strictement sexuel). Ces instincts sont hiérarchisés selon l’importance qu’y accorde l’individu. L’instinct dominant constitue une préoccupation majeure et peut être source d’angoisse et d’excès. L’instinct de soutien est important, mais l’individu n’y porte pas un intérêt obsessionnel : le rapport à cet instinct est donc généralement équilibré. L’instinct réprimé tend à être délaissé par l’individu : il ne pense pas souvent à le satisfaire, mais n’y voit pas de problème… Chez l’ennéatype 5, l’instinct dominant détermine dans quel domaine la compulsion d’évitement du vide intérieur va se spécialiser.

  • Le 5 de variante Conservation (Sp – pour « self-preservation »)

Chez le 5 Sp, la compulsion se manifeste surtout par une peur d’être vidé de son énergie vitale. Il a une peur viscérale d’être affamé, de manquer de sommeil, de gaspiller l’argent, de ne pas avoir assez de temps pour se reposer avant d’être de nouveau sollicité… Il cherche aussi à garder le contrôle sur son territoire : il craint particulièrement d’être cambriolé, qu’on touche à ses affaires, etc. Il est très difficile se faire sortir ce 5 de chez lui, dans la mesure où il réclamera des heures de récupération après chaque événement. Sa maison est un véritable sanctuaire où seuls quelques rares élus sont autorisés à entrer. Il accumule des ressources dans sa tanière (vivres, documentation, objets liés à sa spécialisation…), comme s’il se préparait à tenir un siège. On surnomme d’ailleurs ce 5 le « Château-fort ». Cette variante est la plus susceptible d’adopter un mode de vie ermite, préférant se retirer de la civilisation pour aller cultiver des radis dans une bicoque reculée que supporter la teuf hebdomadaire de son voisin du dessus.

Quand l’instinct de conservation est réprimé, le 5 ne cherche pas à avoir un sanctuaire dans lequel se réfugier, ni spécialement à développer des compétences de survie. Son avarice se traduit peu sur le plan physique : la rétention portera plus sur les connaissances et/ou les émotions.

  • Le 5 de variante Sociale (So)

Les 5 ont tendance à exister socialement en tant que connaisseurs. Lorsqu’ils doivent communiquer, il est bien plus facile pour eux de livrer une information « neutre » que des éléments plus personnels ou leurs émotions. Chez le 5 So, cette dimension est particulièrement présente : ce 5 a un fort besoin de se montrer et d’être reconnu comme « Celui qui sait ». On l’appelle le « Totem ». Il essaye d’incarner une icône de la connaissance dans son domaine de prédilection. Pour rester en accord avec son mécanisme, il sélectionne un milieu où il va pouvoir jouer son rôle social à fond, en utilisant son dialecte spécialisé rassurant. Par exemple, un cercle d’universitaires ou un club de passionnés. Le risque est alors qu’il devienne discriminant vis-à-vis des profanes, jugés indignes de recevoir sa richesse intérieure. Il peut aussi se retrouver piégé dans l’image du savant et finir par devenir l’ombre de lui-même à force de répéter toujours les mêmes exposés. Ce 5 est le plus susceptible de devenir élitiste ou pédant.

Quand l’instinct social est réprimé, le 5 ne se préoccupe pas ou peu de sa place au sein d’une communauté. Il ne cherche pas beaucoup à partager son travail au-delà de son cercle intime, et son côté « hibou savant » peut être inconnu en-dehors de celui-ci.

  • Le 5 de variante Sexuelle (Sx)

Si le 5 est un être secret, le 5 Sx en joue plus que tous les autres. Surnommé « Confidence-confiance », il parvient à concilier sa compulsion avec son besoin important de nourrir des contacts humains intenses. Pour ce faire, il utilise le retrait comme un moyen de s’entourer d’une aura séduisante : agir avec mystère la majorité du temps ne fait qu’accroître le panache des informations révélées ! Lorsqu’il est en situation de tête-à-tête, ce 5 fait comprendre à son interlocuteur qu’il est un privilégié : « Tu sais, je ne raconte ça à personne d’habitude, c’est la première fois que je me confie de la sorte. Il doit y avoir quelque chose de spécial entre nous, pour que je sorte de ma cachette ». Le 5 Sx est moins consensuel et prude que les autres. Il craint moins d’assumer son côté atypique, peut être assez provocateur et ouvertement jaloux.

Quand l’instinct sexuel est réprimé, cela donne un 5 qui semble un peu apathique et coincé. Il est embarrassé dans les situations de tête-à-tête, ne se sent pas concerné par les rivalités et ne cherche pas beaucoup à mettre sa personne en valeur.

Je vais clore ici la première partie de ce dossier. Pour consulter la seconde partie, qui porte sur les flèches d’intégration et désintégration, les ailes et les idées reçues sur l’ennéatype 5, cliquez ici.