Le type INTJ

L’arrogance de l’INTJ

Les gens qui me connaissent de loin me trouvent souvent arrogante. En bonne Ni-dom, j’ai en effet cette fâcheuse tendance à débarquer au milieu de la bataille avec ma rhétorique aiguisée et mon petit air suffisant : « Bonjour, je sais mieux que vous, je viens vous faire la leçon ! ». Je leur accorde : parfois on dirait que j’étais au téléphone avec Dieu juste avant, et que je viens de raccrocher et d’accourir en les entendant invoquer mes lumières. Non, ce n’est pas ça qui est en train d’arriver ? Tant pis, ma fonction Te est chaude, je leur inflige donc tout de même un superbe traité, avec intro, développement, conclusion. Le spectateur lambda a tôt fait de se sentir irrité, voire de se persuader que mes chevilles sont au bord de l’explosion. De nombreux INTJ vivent ce genre d’expérience. La plupart des descriptions sur Internet décrivent d’ailleurs l’INTJ comme un profil très confiant et un peu hautain. Je vais expliquer l’origine de ce comportement, et aussi en quoi il est généralement mal interprété.

Comme je le disais dans l’article sur l’ennéagramme chez l’INTJ, la plupart des INTJ ressemblent à un mélange des bases 5 et 1 : on fera difficilement mieux placé pour récurer avec acharnement les recoins de Google Scholar. Dans mes études et réflexions, je suis incapable de m’arrêter à la surface : il faut que je gratte jusqu’au noyau, que je le perce, que je le dissèque… Tant que je n’aurai pas débusqué et analysé la plus petite particule existante, j’aurai l’impression de ne pas avoir assez approfondi mon sujet. Par exemple, mon compagnon et moi avons deux cochons d’Inde à la maison. Après avoir pris la décision d’en adopter, j’ai passé des dizaines d’heures à étudier l’animal et la manière d’en prendre soin. J’ai consulté une plâtrée de sites et croisé les sources, arpenté des forums, questionné des passionnés, retourné tout le Youtube francophone du cochon d’Inde (seules mes lacunes linguistiques m’ont empêché de faire de même avec l’anglophone), puis je suis revenue voir mon chéri en lui disant « Je ne sais pas si je suis assez formée pour assurer une belle vie à nos futurs animaux. ». Il a levé un sourcil avant de se moquer gentiment de moi.

C’est ce qui se produit à chaque fois qu’un sujet m’intéresse. Voilà pourquoi je me défends toujours d’être une « spécialiste » du MBTI ou de l’ennéagramme, bien que beaucoup de lecteurs me qualifient ainsi sur l’Antre de la Chouette. Connaître les bases d’une discipline et savoir s’en servir à peu près correctement ne signifie pas être spécialiste : c’est juste le minimum syndical pour que je m’autorise à en parler en public ! Le souci, c’est que la plupart de mes interlocuteurs n’ont pas idée du soin que je mets dans mes recherches. Ils ignorent que ma confiance en mes propres affirmations a été forgée par de longues heures de lectures, d’échanges et d’introspections, sans lesquelles je n’aurais jamais ouvert ma gueule. Au pire, j’aurais bafouillé « Pardon, je n’y connais pas grand-chose, je préfère ne pas m’impliquer à ce sujet », avant d’aller me renseigner pour combler mes lacunes. Ils ne voient que la surface : une personne débitant son discours comme s’il était d’une évidence enfantine (prenant donc plus ou moins les gens pour des cons), en ayant l’air de tenir à mettre un point final au débat d’un vif coup de hachoir linguistique. Ils ne comprennent pas comment je peux basculer si rapidement de la timidité extrême à la grande gueule.

Si les INTJ paraissent remplis de confiance lorsqu’ils s’expriment en public, c’est simplement parce qu’ils gardent leurs idées pour eux dès lors qu’ils les jugent bancales. En réalité, ils se sentent très vulnérables devant les limites de leurs connaissances et capacités. (Ceux qui en doutent n’ont jamais vu un INTJ contraint de jouer au football ou de pratiquer le small talk.) Le concept d’esprit critique leur est également cher : avec leur fonction Fi tertiaire, ils se sentent finalement très faillibles, subjectifs, « humains » en d’autres termes… C’est pourquoi ils tentent sans cesse de démonter leurs propres croyances et arguments, encore plus sévèrement qu’ils le font avec les autres. A l’inverse des INTP, qui ont tendance à partager des idées inabouties en utilisant l’autre comme caisse de résonnance, les INTJ préfèrent réaliser seuls ce « crash-test » et laisser maturer un maximum leurs théories avant d’enfin les partager… Processus peu visible de l’extérieur. Compte-tenu de la facilité à verbaliser dont jouit l’INTJ grâce à Te, on pourrait penser que s’il a quelque chose à dire, il va forcément s’empresser de le faire ! Que nenni. Quand un INTJ émet une affirmation, dans l’immense majorité des cas, il a d’abord passé un long moment à retourner ses hypothèses dans tous les sens, les exploser en morceaux et les reconstruire, jusqu’à s’assurer de leur haute viabilité. D’où cette impression de coup de guillotine au milieu de la table (presque la signature de ce type !) : vous aurez bien du mal à y en redire quoi que ce soit, étant donné que l’INTJ a déjà tout fait subir à son bébé avant d’accoucher. Si vous parvenez toutefois à le coincer, un INTJ mature s’inclinera et intégrera – maintenant ou plus tard, selon l’état de son ego de Ni-dom… – vos réflexions aux siennes.

Pourquoi donc ce perfectionnisme érudit ? A titre personnel, j’ai un souci profond d’atteindre la vérité objective. De toucher « ce qui est », sans fioriture, sans filtre… Même quand la vérité n’est pas celle que j’attendais. Même quand elle me file la gerbe, je veux la regarder dans les yeux et me dire « ça y est, c’est bien elle ». Je me fiche d’être dans votre camp ou non : je suis dans celui de la vérité. (Bien entendu, j’exclus ici ce qui relève des goûts de chacun : il n’y a pas de vérité qui tienne quand il s’agit de son film préféré, il n’y a que des vérités personnelles !) Vous pourrez être un ami cher, si dans un débat l’adversaire tient des propos plus pertinents que les vôtres, je ne vous défendrai pas. Je ne vous enfoncerai pas non plus, à moins que vous ne m’ayez franchement cherchée : je ne vois pas à quoi cela pourrait bien servir, et la méchanceté gratuite est un phénomène qui a toujours échappé à ma compréhension. C’est pourtant ainsi qu’ont été régulièrement interprétées mes tentatives de conseiller les autres ou de leur exprimer mon point de vue : une volonté de détruire par plaisir sadique. Malheureusement, une fois que la personne en face a commencé à m’attribuer des intentions que je n’ai pas, il est difficile de lui faire comprendre ma neutralité.

Les INTJ sont fréquemment aux prises avec ce décalage (tant qu’ils n’ont pas pu créer un cercle social à leur convenance, ce qui prend du temps) : ils sont venus pour avoir une discussion enrichissante, mais au lieu de cela, ils passent finalement leur temps à expliquer qu’ils n’ont jamais insinué ceci, qu’ils n’ont jamais affirmé cela, qu’ils n’ont jamais voulu agresser Untel… Quand bien même, ironiquement, ils s’expriment en général d’une manière très claire et franche, laissant peu de place à l’ambiguïté. S’ils sont jeunes adultes, ils ont même la plupart du temps assez de Fi pour faire un réel effort de diplomatie. Ces expériences s’avèrent frustrantes pour les INTJ : bien qu’ils soient des types assez adaptables en société, capables de travestir leur style de communication pour provoquer moins d’ennuis, ils ont également besoin de laisser respirer leur authenticité pour rester sains d’esprit. Vous rendrez très heureux un INTJ en lui offrant un havre où sa manière de s’exprimer est non seulement acceptée, mais aussi reconnue pour ses qualités.