Réflexions sur les fonctions cognitives

Sensation extravertie (Se) inférieure et rapport au corps

Chers les atrophiés du S,

Je partage aujourd’hui une analyse sur la fonction Se inférieure (c’est-à-dire telle qu’elle s’exprime chez les types INTJ et INFJ), en particulier dans la thématique du rapport au corps.

Chez les INJ, il y a une alternance entre une non-prise en compte de l’environnement (pouvant prendre des proportions limite absurdes, comme mettre des semaines à réaliser qu’on travaille à côté d’une tour de 40 m de haut avec une mascotte rose fluo sur la façade) et une obsession pour le contrôle de l’environnement. L’INJ ayant une faible capacité à évoluer spontanément dans le monde concret et l’instant présent (Se-inf), et une capacité encore plus faible à cerner le potentiel et les limites de son propre corps (Si), il tente de compenser par un excès de contrôle mental (Ni). Il doit savoir ce qui va arriver, comprendre pourquoi cela risque d’arriver et préparer des parades, afin d’empêcher le chaos tant redouté de survenir.

La fonction Se délaissée vient parfois réclamer son dû à Ni, provoquant frustration et angoisse. Ce sont les « petits trucs » qui forcent l’INJ à prêter attention à son environnement, comme un appareil électrique qui lâche, un livre qui tombe sur son pied, une météo imprévue… Ils sont perçus comme des agressions, voire un « complot des objets » contre lui, qui l’empêche de réaliser son plan alors qu’il voudrait juste naviguer tranquillement dans sa tête. Si vous côtoyez un INTJ, vous l’avez sans doute déjà maintes fois entendu s’exclamer « Que les choses marchent, c’est trop demandé, ça ? ». En réalité, dans l’immense majorité des cas, l’INJ n’aurait pas fait face à ce désagrément s’il avait pris soin d’entretenir mieux son environnement dès le début. Remarquer que son compteur électrique sentait le brûlé depuis des semaines au lieu d’attendre qu’il explose en plein mois de décembre, par exemple… (Toute ressemblance avec des individus existants serait tout à fait fortuite.)

Le corps de l’INJ est typiquement perçu comme un vaisseau de l’âme ou un outil au service de l’esprit. C’est un élément extérieur au « Moi » plutôt qu’une part d’un grand tout formant le « Moi ». Ainsi, chez l’INJ, le rapport au corps est en général similaire au rapport à tout autre élément environnemental : j’entends par là qu’il perçoit le corps comme une entité dangereuse, pouvant se transformer à tout moment et de manière chaotique, indépendamment de la volonté. Un corps peut grandir, grossir, tomber malade, vieillir, se déformer, etc. C’est pourquoi chez l’INJ, la prise de conscience du corps s’accompagne d’un besoin puissant de garder le contrôle sur celui-ci. Ce contrôle peut être actif ou passif, conscient ou inconscient.

Le rapport à Se-inf se résume ainsi comme suit : « J’habite dans une machine complexe. J’aimerais ne pas avoir à y penser, mais si je l’oublie, elle finit par tomber en panne et m’empêcher d’avancer. Je dois donc m’en occuper un minimum, afin d’être tranquille le reste du temps et de pouvoir intervenir sur l’environnement sans limitation quand c’est nécessaire. Parfois, je prends plaisir à interagir avec mon environnement via cet interface physique, mais je constate par la même occasion ses limites et cela me frustre. »

Deux tendances se dessinent : la première est l’abandon de Se devant le constat de son échec (ici, réinitialisation du cycle), par exemple « Je suis trop nul en sport, ça ne sert à rien de continuer ». La seconde est le vautrage dans Se, dans une optique de le développer de force. Par exemple « Je vais faire 180 abdos par jour, et on va voir si c’est trop lui demander à ce corps de tenir 4 entraînements de boxe par semaine, putain ! C’est moi le maître ici, il va obéir à ma volonté ! » (ici, perte de vue de Ni, malaise et épuisement). La seconde option peut passer par de l’automutilation ou de l’auto-privation pour « punir » le corps de ne pas être à la hauteur. Cette sanction consiste souvent à instaurer des règles psychorigides autour de la nourriture, des jeux-vidéo, du sexe ou tout ce qui procure du plaisir « gratuit ».

Des formes de contrôle plus passives peuvent être employées, créant l’illusion d’un rapport sain au corps. Par exemple : un INJ vous donne l’impression qu’il se soucie beaucoup de la diététique, car il ne mange que des plats bien équilibrés ? En réalité, il s’est probablement juste dit « Je ne fais pas attention à ce que je mange de toute façon, alors autant manger sans sel et sans sauce, c’est plus viable sur le long terme ». Il ne prend absolument pas soin de lui, il est au contraire dans une coupure de soi, une privation des sens. Idem pour un INJ sportif, faisant mine d’entretenir sa santé : il y a des chances pour que le sport soit davantage un moyen d’entrer en lutte contre Se (prouver qu’il peut le dompter à sa guise) qu’une démarche bienfaisante spontanée pour le corps. L’INJ lui-même peut vivre dans la croyance qu’il fait attention à son corps, quand bien même ce n’est pas du tout le cas.

Ironiquement, le manque d’attention porté au corps va finir par se manifester par diverses somatisations, que l’INJ ne va pas forcément comprendre (« Pourtant je mange équilibré, je fais de l’exercice : je ne devrais pas aller mal ! »). Son premier réflexe sera de vouloir renforcer le contrôle (encore plus de privation, plus d’actions forcés…) ce qui aggravera le mal-être et l’entraînera dans un cercle vicieux. On est dans la relation typique entre la fonction dominante et la fonction inférieure : les problèmes causés par le manque de la fonction inférieure sont interprétés comme étant un manque d’action de la fonction dominante. Le même mécanisme apparaît chez tous les types… Les Fi-dom vont de plus en plus dans le pathos quand on souligne leur manque d’argumentation logique (si les autres ne réalisent pas que l’émotion est si forte qu’elle se passe de toute argumentation, c’est qu’il n’y a pas assez de Fi), les Te-dom sont de plus en plus dans le contrôle des autres quand on essaye d’échapper à leur autorité (si les autres n’obéissent pas sans saouler avec leurs petits besoins personnels, c’est qu’il n’y a pas assez de Te), etc.

J’observe un rapport tout autre chez les ENP (et dans une moindre mesure les INP). Chez ces types, Si-inf induit plutôt une alternance entre une indifférence au bien-être corporel et une préoccupation forte voire excessive pour celui-ci. Le rapport à Si-inf ressemble plutôt à : « Mon corps est une part de moi, mais je n’ai pas l’impression qu’il soit important de m’en occuper. Parfois je réalise que si, et j’essaye de rattraper tout le manque d’attention que j’ai eu vis-à-vis de mon corps. Je vais identifier ce qui me fait du bien, ajuster mon environnement et améliorer mon alimentation. »

Deux tendances se dessinent : devant le constat d’un corps en piteux état et d’une difficulté à instaurer une autodiscipline de vie, l’ENP opte pour l’abandon de toute tentative de prendre soin de soi, car « De toute façon ça sert à rien, c’est foutu ». Il se laisse engloutir dans des pratiques malsaines, comme des addictions diverses, de l’automutilation, de la surconsommation de malbouffe ou une sexualité dangereuse (ce qui réinitialise le cycle). Ou bien, il opte pour une utilisation excessive de Si, avec une obsession pour la diététique et pratiques liées. Des troubles tels l’hypocondrie, l’anoxerie ou l’orthorexie peuvent alors apparaitre.

Dans les deux cas (Se ou Si-inf), un travail important est nécessaire à l’individu pour rompre la polarité et développer un rapport sain au corps. Je croise rarement des Se/Si-inf qui se ne mentent pas à eux-mêmes sur ce plan de l’existence. Et c’est tout à fait normal, au demeurant, nous avons tous nos faiblesses… Je pense qu’admettre cela est la première étape pour amorcer un changement.